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À Kalémie (RDC) , le manque de financements menace la lutte contre le choléra

Publié le vendredi 13 mars 2020

Depuis 2011, SOLIDARITÉS INTERNATIONAL intervient dans la ville de Kalemie, en République démocratique du Congo (RDC), pour réhabiliter et pérenniser la gestion des services d’eau potable afin de lutter contre la propagation du choléra. Mais la dernière phase du projet pourrait être remise en cause faute de financements et d’engagement de la part des décideurs internationaux.

par la Direction des Opérations RDC, SOLIDARITÉS INTERNATIONAL et Lucile Chabot, chargée des partenariats publics, SOLIDARITÉS INTERNATIONAL

Kalemie est la plus grande agglomération de la province du Tanganyika, au sud-est de la République démocratique du Congo (RDC), à la frontière avec la Tanzanie.  Cette ville a été le point d’entrée du choléra dans le pays. La proximité des lacs et des zones lacustres fait de cette région un espace “source”, c’est-à-dire un foyer de départ de l’épidémie, mais aussi une zone sanctuaire en période d’accalmie.

Le manque d’infrastructures, de pratiques d’hygiène adaptées et les facteurs environnementaux font de Kalemie un territoire à haut risque. D’autant que le réseau d’eau potable de la ville, construit en 1954, est encore vétuste et sous‑dimensionné face à l’afflux de communautés vulnérables dans la zone. Depuis dix ans, en raison des déplacements de populations liés aux affrontements violents qui ont frappé la RDC, la population totale de Kalemie est passée de 50 000 à environ 317 490 habitants.

Pour l’instant, le taux d’accès de la population à l’eau du réseau de la ville est estimé à seulement 29 %. Le reste de la population doit s’approvisionner dans des puits, mais aussi dans le lac Tanganyika et la rivière Lukuga, exposés à la contamination fécale.


GESTION SOCIALE DE L’EAU

Depuis 2011, dans l’objectif de ralentir et, à terme, d’éradiquer les épidémies de choléra, SOLIDARITÉS INTERNATIONAL intervient non seulement pour réhabiliter le réseau d’eau de Kalemie, mais aussi pour aider les structures et les communautés locales à s’approprier la gestion et la maintenance de ce réseau tout en sensibilisant les populations aux bonnes pratiques d’hygiène.

Nos équipes soutiennent les autorités locales et les membres de la société civile dans le développement d’une gestion sociale et durable de l’approvisionnement en eau potable. Cette gestion permet à deux associations locales, l’Association des Mamans pour la Sécurité et la Protection des Bornes Fontaines, et l’Association des fontainiers, de vendre de l’eau afin d’entretenir les bornes efficacement et durablement. En échange, elles reversent une partie de leurs revenus à la REGIDESO, en charge de la gestion de l’eau sur l’ensemble du territoire congolais. Conjointement, ces trois acteurs contribuent également à éveiller la conscience des usagers en les alertant sur les bonnes pratiques et en les informant sur l’existence de points de chloration d’urgence.

Au cours de la quatrième phase de leur projet, de novembre 2018 à juin 2019, les équipes de SOLIDARITÉS INTERNATIONAL ont contribué à la rénovation et à la construction de 3 949 mètres linéaires de réseau, bénéficiant à 350 918 personnes. Grâce à la loi Oudin‑Santini, qui permet aux collectivités territoriales et aux agences de l’eau d’affecter à des programmes de coopération internationale 1 % des recettes de leurs ressources relatives aux services de l’eau et de l’assainissement, plusieurs partenaires ont participé au financement d’une partie des travaux. Parmi eux, le Syndicat des Eaux d’Île-de-France (SEDIF), la ville de Blois, la Communauté d’agglomération du Pays Voironnais, l’Agence de l’eau Loire Bretagne, ou encore l’Agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse.


UNE DERNIÈRE PHASE DE PROJET EN SUSPEND

SOLIDARITÉS INTERNATIONAL lutte toujours pour trouver les fonds indispensables afin de mener à bien le rétablissement d’un réseau d’eau inaltérable à Kalemie et ainsi continuer à attaquer le choléra à sa racine. L’absence de financements suffisants pourrait remettre en question la mise en œuvre de la cinquième et dernière phase du projet. Une phase d’autant plus cruciale qu’elle consistera à mettre en œuvre un schéma directeur de l’eau et à former les acteurs locaux à la gestion et à la maintenance du réseau, avant de leur laisser la main pour que ce réseau soit pérenne. Or, en attendant ces financements, SOLIDARITÉS INTERNATIONAL risque de devoir suspendre ses activités à Kalemie, ce qui menacerait la poursuite du projet, en rompant les liens et la confiance tissés depuis des années avec les autorités et la population locale.

Cette difficulté à trouver des financements s’explique par plusieurs facteurs. D’une part, la persistance de cas de choléra dans la province du Tanganyika est peu médiatisée, et d’autre part, le pays, déjà fragile, est en proie à de sévères crises sécuritaires. Les bailleurs de fonds sont en conséquence de plus en plus réticents à l’idée de s’y engager. Depuis plusieurs années, SOLIDARITÉS INTERNATIONAL constate que dans cette province mais aussi dans celles du Haut-Lomami, des Kivus, de l’Ituri et maintenant des Kasaïs, les ONG humanitaires se retirent de la lutte contre le choléra et les maladies persistantes, faute de moyens suffisants.


INERTIE DES DÉCIDEURS INTERNATIONAUX

Cette absence cruelle de financements est également le reflet de l’inertie de certains décideurs internationaux qui ne réalisent pas que l’accès à l’Eau potable, à l’Hygiène et à l’Assainissement est quasi-systématiquement au cœur d’une réponse efficace aux épidémies et qu’une réponse médicale ne suffit pas. Ces décideurs émettent des fins de non-recevoir à la plupart des tentatives des acteurs humanitaires de proposer des solutions concrètes et à long terme. Alors qu’en parallèle, ces mêmes décideurs critiquent le fait que les ONG utilisent les deniers publics pour répliquer chaque année les mêmes activités de mitigation de l’épidémie.

Appelées à jouer les pompiers de l’urgence dans les zones épidémiques, à Kalemie, les équipes de SOLIDARITÉS INTERNATIONAL ont conscience que la prise en charge des cas de choléra, la chloration des points d’eau et la désinfection des foyers infectés permettent de sauver des vies. Mais en aucun cas, elles n’élimineront ce fléau. Dans son Baromètre 2018, SOLIDARITÉS INTERNATIONAL a lancé un appel à tous les acteurs de l’aide humanitaire et au développement, publics comme privés, impliqués en RDC, à mettre ensemble en œuvre un plan de lutte commun contre cette pathologie mortelle, mais si facilement contrôlable qu’est le choléra. Seuls des projets structurels, et notamment liés au développement d’infrastructures, encore trop rares en RDC, pourront y mettre fin.

 

 

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