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République démocratique du Congo, Nord Kivu : apporter de l’eau et de la dignité

Publié le mardi 7 juin 2022

Par Justine Muzik Piquemal, responsable géographique

Depuis le 19 mai 2022, les affrontements entre les forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) et des combattants présumés de l’ex-rébellion du M23 ont eu lieu dans les villages de Nyarubara et Runyonyi, dans la partie sud-ouest du territoire de Rutshuru (province du Nord-Kivu).

Ce conflit semble être si loin de tout. Et pourtant, ces affrontements ont créé un déplacement massif de population dans le centre du Rusthuru et dans le nord de Goma.

SOLIDARITÉS INTERNATIONAL travaille depuis plus de 15 ans en République démocratique du Congo (RDC).  En Ituri et dans le Grand Nord Kivu, nos équipes interviennent sur les foyers de crises émergentes afin d’apporter une réponse rapide. Elles se déplacent chaque jour pour aider là où c’est nécessaire : des journées de voiture, des semaines passées sous des tentes pour distribuer de l’eau, organiser des foires alimentaires d’urgence ou encore installer des latrines pour cette population qui a besoin là, maintenant, d’un soutien.

La multiplication des conflits en RDC crée un manque de main d’œuvre et d’équipements pour répondre à tous ces besoins. Nos équipes apportent actuellement une réponse massive à Komanda où se trouvent 100 000 personnes déplacées, et sur Oicha. Cette réponse suppose que SOLIDARITÉS INTERNATIONAL déploie ses propres moyens humains, sa propre coordination afin de répondre à ces besoins urgents, et que les autres réponses, toutes aussi importantes, ne soient pas mises en péril pour autant.

Témoignage

Lors de notre évaluation des besoins, la population a confirmé être arrivée dans la zone à partir du 24 mai 2022 pour fuir le conflit. Cette évaluation consiste à parler à toute la population déplacée, et à comprendre, regarder, analyser la situation et les besoins. Les questions posées sont simples et les réponses rapides. Avez-vous de l’eau ? – Non. Avez-vous des latrines ? – Non.

Ainsi, ces personnes déplacées, et principalement hébergées dans le territoire du Nyaragongo à environ 8 km de Goma, ont été accueillies dans 18 lieux (églises, écoles…). D’autres sont accueillies dans les familles d’accueil et, d’autres encore dorment à ciel ouvert en pleine saison des pluies. Nous marchons à travers le village, le nombre de personnes installées dehors est frappant. Les enfants jouent avec les flaques qui se remplissent régulièrement de cette grosse

République démocratique du Congo

Contexte et action
  • 107 millions d'habitants
  • 179ème sur 191 pays pour l'Indice de Développement Humain
  • 524 327 personnes bénéficiaires

pluie congolaise. Un de mes collègues m’interpelle : un homme est assis à côté d’une flaque avec un gobelet en plastique à la main, il recueille l’eau de la flaque et remplit scrupuleusement son bidon. « C’est pour la cuisine, et pour boire une fois que la boue se sera déposée au fond ». Chacun d’entre nous sait – et ce monsieur le sait aussi – le danger de boire cette eau, la forte probabilité que le vibrio cholerae soit là, la probabilité de diarrhée et autres maladies.

Une forte pluie tombe, nous nous abritons dans une salle de classe avec certaines personnes déplacées. Nous les remercions de leur accueil et nous discutons rapidement. Un vieil homme dort sur des feuilles ramassées autour, des enfants en bas âge nous examinent. Nous posons quelques questions sans vraiment attendre de réponse – l’évidence du ‘rien’ est sous nos yeux. Les casseroles sont sous les gouttières et se remplissent. La pluie vient de cesser. Les rayons du soleil réchauffent aussitôt l’atmosphère. Tous sortent des salles de classes et ramassent les écuelles, casseroles dans lesquelles ils ont récupéré un peu d’eau de pluie. La pluie n’a pas duré longtemps, une dizaine de minutes, suffisamment pour une moitié de casserole. Je m’approche des enfants qui jouent dans les flaques, et je vois un enfant, je ne saurais dire… entre 4 et 6 ans. Il tire vers lui cet énorme bureau en bois massif, auquel un banc est rattaché. Il le penche vers lui. Je m’approche sans intervenir, je ne suis pas sa mère, je suis juste prête à le tirer si le bureau bascule. Je le vois poser sa bouche au bord du bureau, et je comprends à cet instant, que l’enfant boit l’eau des portes crayons – ces petites fentes dans les bureaux dans lesquels les enfants mettent les crayons. Pas de mot à prononcer, juste un constat. Les quelques gouttes bues, il repart.

Depuis cinq jours, ces familles vivent là sans aucun accès à l’eau potable. Il ne fait pas chaud, il fait même froid après cette pluie. Nous ne sommes pas en zone endémique d’une potentielle maladie, mais simplement face à un besoin humain et essentiel de boire de l’eau potable, ni nécessairement fraîche, ni chlorée – juste de l’eau du ciel.

Si SOLIDARITÉS INTERNATIONAL ne disposait pas de fonds propres, nous n’aurions pas pu intervenir le lendemain de cette évaluation pour fournir de l’eau potable à ces personnes déplacées qui n’ont aucune vocation à rester sur place et qui ne souhaitent qu’une chose, rentrer dans leurs villages et oublier ces moments si difficiles.  Grâce au financement du SAFER et du Fonds Humanitaire, nous pourrons poursuivre nos activités sur quelques mois.

SOLIDARITÉS INTERNATIONAL a ainsi installé des réservoirs d’eau de 10m3 et réparé des récupérateurs d’eau de pluie qui serviront de tanks à eau pour nos distributions le temps de cette crise.

Nous pouvons espérer que cette crise ne dure pas plus de quelques mois, mais ces mois vont être très longs et violents pour cette population déplacée et pour la population hôte. Les rares infrastructures sont sous tension ultimes (les latrines d’école débordent et les points d’eau sont inexistants).

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