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Tchad – Soudan : aider des deux côtés de la frontière

Publié le mardi 24 octobre 2023

Qu’elle soit au cœur du conflit qui déchire son pays, ou qu’elle ait fui au Tchad voisin, la population soudanaise subit depuis six mois les affrontements entre les Forces armées soudanaises (SAF) et les Forces paramilitaires (RSF). Face à cette situation, les équipes de SOLIDARITÉS INTERNATIONAL agissent sur ces deux théâtres d’intervention. Celui du phénoménal site de personnes déplacées d’Adré, au Tchad, qui a accueilli plus de 200 000 personnes dans un espace urbain bondé aux ressources limitées. Et de l‘autre côté de la frontière, celui d’Al Geneina, ville épicentre du conflit où survivent dans le dénuement et la violence les familles restées au Darfour.  

Reportage au cul du camion de SOLIDARITÉS INTERNATIONAL, un jour de violence comme un autre dans cette « Guerre des généraux ».

“C’était la débandade totale au début. Ma maman a pris la fuite et n’a même pas pu nous emmener avec mes frères. C’est après, quand il y a eu une accalmie, qu’elle a pu nous récupérer. Ça n’était pas facile d’arriver jusqu’à Adré. […] On n’a même pas pu prendre nos affaires ou de la nourriture, tout a été détruit”, raconte Fathia Al Nour, jeune femme de 16 ans. Ce témoignage terrifiant est loin d’être le seul entendu dans les allées du site de personnes déplacées d’Adré.  

Petite ville de l’est tchadien, Adré, 40 000 habitants, a vu arriver depuis plusieurs mois plus de 200 000 personnes fuyant la guerre du Soudan voisin. Les tentes faites de bric et de broc s’entassent entre les maisons en terre cuite des habitants. Une véritable marée au milieu de la ville.  

  • 43 millions d'habitants
  • 172ème sur 191 pays pour l'Indice de Développement Humain
  • 21 000 personnes bénéficiaires

Depuis le début des conflits, Adré a vu se développer en son sein un immense camp de fortune où s’entassent des milliers de déplacés. Ces hommes, femmes et enfants tentent de survivre, alors que tout leur manque.  

Crédit photo : © SOLIDARITÉS INTERNATIONAL

Les ONG humanitaires présentes sur place peinent à répondre à l’ampleur des besoins de la population. “Il y a des centaines de milliers de personnes qui arrivent sur un territoire dans lequel les ressources sont déjà limitées. Les habitantes et les habitants subissaient déjà des difficultés pour accéder à la nourriture et à l’eau. A présent, 400 000 en plus viennent se nourrir et s’abreuver aux mêmes ressources que celles existantes dans l’Est du Tchad”, explique Nelly José, Directrice Pays Tchad-Cameroun pour SOLIDARITÉS INTERNATIONAL.  

“Les premières personnes qui sont arrivées [au Tchad] se sont déplacées avec des affaires. On a vu des caravanes avec des fagots de bois, une chaise, une petite table…mais plus ça va, plus la crise dure, moins les déplacements sont préventifs et deviennent consécutifs des combats. Du coup, les gens arrivent de plus en plus démunis. Mais quoi qu’il en soit, même si on se déplace avec un morceau de sa maison, on ne se déplace pas avec sa maison !” poursuit Nelly.   

De l’eau au quotidien pour les populations réfugiées  

Un peu plus loin dans le camp, un attroupement attire le regard. Une vingtaine de femmes et d’enfants font la queue, des bidons vides sur la tête ou posés au sol. Ils attendent patiemment d’avoir accès au point d’eau géré par SOLIDARITÉS INTERNATIONAL. “Quand je suis arrivé au mois de juin dernier, il y avait juste un petit puits. Aujourd’hui, mon travail c’est de superviser le point d’eau, d’organiser la distribution et de servir la population”, raconte Cherif Harbab, responsable du point d’eau. Le forage actuel fonctionne grâce à un générateur au fuel mais dans les prochains jours, les équipes de SOLIDARITÉS INTERNATIONAL vont installer une pompe solaire permettant au forage de fonctionner sans électricité. “Il n’y aura plus besoin de carburant. C’est le soleil qui va travailler !” plaisante Maazou Alhassane, responsable projet pour l’est du Tchad pour SOLIDARITÉS INTERNATIONAL. 

Quatre tanks noirs permettent de contenir l’eau puisée grâce à un forage dans le sol. L’eau jaillit ensuite des robinets disposés quelques mètres plus loin. Les femmes et les enfants patientent et attendent leur tour pour avoir accès à cette ressource précieuse. 

Crédit photo : © SOLIDARITÉS INTERNATIONAL

Un second point permet à la population de se fournir en eau. C’est une pompe qu’il faut activer manuellement. Les rires des enfants résonnent lorsqu’ils se mettent à plusieurs pour lever et abaisser ce levier. “Cette pompe n’était pas adaptée et c’était très dur pour les personnes de pomper l’eau. Nous avons changé le modèle afin de faciliter l’accès”, explique Maazou 

Maazou Alhassane est responsable programme Tchad pour SOLIDARITÉS INTERNATIONAL.  

Crédit photo : © SOLIDARITÉS INTERNATIONAL

À quelques minutes de là en voiture, dans un grand entrepôt, d’autres équipes de l’ONG s’activent. Savons, serviettes hygiéniques, brosses à dents, dentifrices ou encore moustiquaires, sont stockés dans des seaux, chargés les uns après les autres dans un camion qui partira le lendemain direction la ville de Al Geneina, à 35 km, dans la région du Darfour, au Soudan.  

Alors que la nuit tombe doucement et que le ciel se pare de couleurs orangées, le chargement du camion se termine jusqu’à ce que ce dernier déborde de kits. Les équipes rentrent se reposer afin d’être prêtes pour la distribution du lendemain. 

Tous les jours c’est par camion entier que sont acheminés les kits d’hygiène qui seront distribués aux familles soudanaises vulnérables.  

Crédit photo : © SOLIDARITÉS INTERNATIONAL

Surnommée la “guerre des généraux”, cette guerre entre le Général Abdel Fattah Al-Burhane, dirigeant de facto du Soudan et le Général Daglo, dit “Hemeti”, à la tête des forces paramilitaires, ravage le pays depuis le 15 avril dernier. Destructions, pillages, violences, bombardements sont le quotidien des Soudanaises et des Soudanais depuis plus de 6 mois. Présente dans le pays avant le début de la guerre, SOLIDARITÉS INTERNATIONAL a été la première ONG internationale à réussir à rentrer à nouveau au Darfour. Village après village, nos équipes sont allées à la rencontre de la population pour évaluer ses besoins et lui apporter l’aide nécessaire, permettant aujourd’hui une traversée de la frontière quotidienne pour effectuer des distributions.  

Des distributions essentielles 

Le départ pour le Soudan se fait au petit matin. La route est magnifique entre Adré et Al Geneina. Bordée par des champs et des pâturages verdoyants à perte de vue, peuplée d’oiseaux majestueux et de troupeaux gigantesques, cette route arriverait presque à nous faire oublier les centaines de milliers de personnes qui l’ont empruntées dans l’autre sens fuyant la guerre au Soudan. Il est difficile d’imaginer, parmi tant de beauté, ces familles à dos d’ânes ou de chevaux, sur des chariots, à pied, marchant et même parfois courant pour échapper aux exactions et à la mort. Pourtant, les nombreux checkpoints sur la route nous rappellent que le Darfour est encore une zone d’insécurité et de danger permanent.

L’entrée dans Al Geneina est un dur retour à la réalité. Des tôles détruites, des voitures brulées, des bâtiments défigurés par les impacts de balles : cette ville n’est plus que l’ombre de ce qu’elle était avant le début du conflit. Dans une école fermée marquée par les stigmates des combats, une centaine de femmes assises par terre attendent à l’ombre que la distribution commence.  

“On distribue ces kits parce que le marché a énormément été affecté par le conflit, les stands n’ont pas forcément beaucoup de produits d’hygiène et les gens ont peu d’argent.  De toute façon, les familles ne vont pas prioriser l’achat de produits d’hygiène mais plutôt l’achat de nourriture”, explique Clémence Lagouardat-Massirolles, Directrice Pays adjointe aux programmes pour SOLIDARITÉS INTERNATIONAL.  

Les listes de distributions sont préparées en amont par les équipes, en collaboration avec les responsables communautaires locaux, afin de sélectionner les familles les plus fragiles et précaires. Appelées les unes après les autres, les femmes signent le registre puis récupèrent leurs kits avant de repartir auprès de leur famille. 

Clémence Lagouardat-Massirolles est Directrice Pays adjointe aux programmes pour SOLIDARITÉS INTERNATIONAL

Crédit photo : © SOLIDARITÉS INTERNATIONAL

“La situation est très difficile parce qu’avant, je travaillais à l’Université de la santé et depuis le début du conflit, on n’a pas reçu nos salaires […]. Mon mari travaille maintenant comme journalier au marché mais il ne gagne presque rien. Parfois, il arrive à nous rapporter des choses mais parfois non…” confie Zaina Al Tiani Hasablah, les mains chargées de son kit d’hygiène.  

Après quatre heures de distribution, presque tous les kits sont partis. Ceux qui restent seront donnés aux personnes absentes. Les équipes remballent le matériel.  

“Ce qui m’impressionne, c’est la résilience des populations […]. Elles sont vulnérables mais elles ont quand même trouvé des moyens de reprendre une vie qu’on ne peut pas appeler normale mais quotidienne au moins. […] Notre rôle c’est de leur donner les clefs pour surmonter ces crises et être en mesure de faire face aux prochaines ; parce que, clairement, la situation au Darfour ne va pas se résoudre du jour au lendemain” conclut Clémence.  

L’après-midi touche à sa fin lorsque les équipes reprennent la route pour rentrer au Tchad. Elles espèrent que la situation sécuritaire s’améliore dans les prochaines semaines pour ne plus avoir à emprunter cette route tous les jours.  

Le lendemain, une nouvelle journée de distribution dans un autre quartier aura lieu. Et le jour suivant également. L’aide humanitaire est aujourd’hui d’autant plus nécessaire que le conflit s’éternise, faisant de plus en plus de victimes et forçant de plus en plus de familles à fuir…  

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