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Darfour : 20 ans de conflits oubliés et maintenant ?

Publié le mercredi 19 avril 2023

20 ans de conflits. 20 ans de souffrance pour la population. Alors que la guerre au Darfour faisait la une des journaux en 2003, aujourd’hui l’attention de la communauté internationale et des bailleurs de fonds est faible. Pourtant, le 15 avril 2023, le Soudan faisait de nouveau face à une escalade de violence rendant impossible tout mouvement pour la population. Les nouvelles personnes fuyant le conflit sont venues grossir les rangs des familles déjà réfugiées dans les villes entraînant une situation encore plus précaire. 20 ans : un tragique anniversaire doublé d’un nouveau conflit qui rebat encore et toujours les cartes du destin de cette région. 

3 700 000, c’est le nombre de personnes¹ qui ont dû quitter leurs maisons, leurs villages pour trouver refuge dans d’autres régions à l’intérieur du pays à cause des conflits. Pour certains, ce déplacement est loin d’être le premier. Pris dans un cycle chronique de fuite lié au contexte instable du pays, à des conflits locaux dus à un appauvrissement des ressources naturelles et aux conflits inter-ethniques depuis 20 ans, la situation pour la population est critique. 

Les conditions de vie de la population sont indignes à Al-Genaïna. Des dizaines de milliers de personnes n’ont pas ou peu accès à l‘eau, à l’hygiène de base et à des latrines. Cela augmente très fortement les risques d’épidémie comme le choléra, mais aussi le développement de la galle et autres maladies de peau issues de condition hygiénique déplorable explique Justine Muzik Piquemal, Responsable Géographique chez SOLIDARITÉS INTERNATIONAL.

Défécation à ciel ouvert, site de Al-Genaïna, 2022
  • 43 millions d'habitants
  • 172ème sur 191 pays pour l'Indice de Développement Humain
  • 21 000 personnes bénéficiaires

L’absence d’eau potable est un vecteur d’aggravation de la malnutrition. Les eaux de surface de la ville sont contaminées par des défécations à l’air libre directement dans la rue car les latrines à disposition sont pleines. C’est une catastrophe sanitaire !  »

Recherchant la sécurité, la population, fuyant les combats, se déplace depuis de nombreuses années vers les grandes villes. Mais ces dernières ne sont pas équipées des infrastructures nécessaires pour accueillir ces milliers de familles. Présentes sur place, les équipes de SOLIDARITÉS INTERNATIONAL sont témoins au quotidien des besoins croissants de la population en raison des tensions et de la situation politique complexe dans le pays.  

Face à ce constat, notre ONG a notamment mis en place des activités pour permettre à la population d’avoir accès à l’eau et à l’hygiène ; un des besoins fondamentaux des milliers de personnes déplacées. Construction, réparation et vidange de latrines et de douches, distribution d’eau par camion-citerne, construction de forages, distributions de kits d’hygiène et de kits menstruels pour les femmes, promotion à l’hygiène, désinfection des latrines… autant de services essentiels mis en place par SOLIDARITÉS INTERNATIONAL dans 15 des 108 sites accueillant des personnes déplacées répertoriés à Al-Genaïna. 

Mais notre équipe tire la sonnette d’alarme car la situation alimentaire est elle aussi déplorable. Un tiers du pays souffre d’insécurité alimentaire. Une proportion qui risque de s’aggraver dans les prochains mois.   

Et pourtant, malgré ce constat terrifiant, les acteurs humanitaires peinent à venir en aide à la population à cause du manque de financement². L‘insécurité permanente et la nature cyclique du conflit créent une lassitude, voire un désintérêt de la part des bailleurs de fonds entrainant immanquablement une baisse des financements donc une baisse de l’aide humanitaire directe aux populations.

Latrine dans un site de déplacés, site de Al-Genaïna, 2022

« Les bailleurs de fonds et les instances doivent se mobiliser plus que jamais pour venir en aide aux dizaines de milliers de personnes qui aujourd’hui dépendent de l’aide humanitaire. Il faut fournir une aide à la hauteur des enjeux humains si spécifiques à cette région du Soudan martèle Justine Muzik Piquemal. Au-delà de l’aide d’urgence qui serait vitale pour des dizaines de milliers de personnes, il est difficile aujourd’hui d’obtenir un financement à long terme pour travailler sur des approches et des solutions, s’adaptant au conflit et au changement climatique et qui permettraient à la population de sortir durablement de la crise.

Site de déplacés, site de Al-Genaïna, 2022

Face à une situation qui ne fait qu’empirer et une population prise en étau et vouée à un avenir incertain, il est nécessaire aujourd’hui que la communauté internationale prenne la mesure de l’ampleur des besoins de la population dans cette région.  

Il y a 20 ans, les yeux de la communauté internationale étaient rivés vers le Darfour. Ils doivent l’être à nouveau aujourd’hui.  

¹ Humanitarian Need Overview 2023, OCHA : https://reliefweb.int/report/sudan/sudan-humanitarian-needs-overview-2023-november-2022 

² Funding tracking by UNOCHA  https://fts.unocha.org/countries/212/summary/2023

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