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« Les objectifs climat ne doivent pas atténuer les efforts pour l’accès aux services »

Publié le mardi 24 avril 2018

[DÉBAT] Alain Boinet, fondateur de SOLIDARITÉS INTERNATIONAL a rencontré Jean Launay, président du Partenariat Français pour l’Eau et Jean Marie Tétart, administrateur de l’Agence Française de Développement pour évoquer la place de l’eau dans l’aide publique au Développement.

ALAIN BOINET Rappelons tout de même que le président de la République a décidé d’augmenter l’Aide Publique au Développement de 0,38 % à 0,55 % du RNB, progressivement jusqu’en 2022. Ce qui représentera 6 milliards de plus dans 4 ans. Ce n’est pas rien ! Quels sont les messages que le PFE porte sur les ODD, en particulier l’ODD 6 ou sur le climat ? Il y aura également en juillet une réunion du panel de haut niveau politique sur les ODD à New-York. Quelles sont les priorités du PFE, quels sont les enjeux et les objectifs ?

JEAN LAUNAY Il y a 6 messages centrés sur les 6 constats principaux suivants qui étaient la base du discours des membres du PFE à Brasilia :

  1. 30 % de la population mondiale ne bénéficient pas des services qui garantissent un accès facile à l’eau potable et de qualité.
  2. 60 % de la population mondiale ne disposent pas de toilettes avec système d’évacuation et de traitement adéquat.
  3. 80 % des eaux usées à l’échelle mondiale sont rejetées dans l’environnement sans traitement
  4. 40 % de la population mondiale serait confrontée à des pénuries d’eau d’ici 2050. Le réchauffement climatique, est à l’œuvre, donc le nier serait une faute.
  5. La disparition des zones humides. 64 % d’entre-elles ont disparu depuis 1900.
  6. 200 millions de personnes vont être forcées de se déplacer d’ici 2050. Ce sont les migrations climatiques, à rajouter à celles liées à des états de guerre.

JEAN-MARIE TÉTART Il faut faire attention à ce que les objectifs “ climat ” ne viennent pas atténuer les efforts pour l’accès aux services pour tous. On ne fera jamais comprendre à ceux qui n’ont pas d’eau, les enjeux climatiques. Il ne faudrait pas diminuer les crédits d’accès aux services. Pour l’assainissement, qui va devenir de plus en plus prioritaire, il faut qu’on se dise qu’on n’a pas les moyens avant longtemps, dans nombre de villes des pays en développement, d’évacuer les eaux usées par des réseaux et de les traiter. Donc, modestement, il faudrait envisager à la parcelle, tout ce qui sera assainissement de base, par des services d’assainissement non collectifs, etc. Il faut réfléchir au modèle d’assainissement adapté dans ces pays sinon on ira droit dans le mur.

ALAIN BOINET En se concentrant sur l’ODD6, quelle proposition le PFE fait-il sur la question de la gouvernance mondiale de l’eau, du suivi des ODD et la question des financements pour atteindre les objectifs des ODD en 2030 et en particulier l’ODD6 ?

JEAN LAUNAY À partir du moment où la prise en compte politique des ODD de l’ONU est faite, il faut réussir à mettre en place une instance intergouvernementale rattachée au système des Nations unies qui en assure le suivi, les déclinaisons pays par pays et porte cette gouvernance internationale de l’eau. Il y a une évaluation de ces cibles, une évaluation statistique qui est à faire, différente pays par pays. Le nombre de cibles est parfois désigné de façon trop ambitieuse. Les objectifs doivent être possibles à atteindre, il faut être pragmatique. Mais ils ne doivent malgré tout pas effacer la volonté politique d’atteindre les objectifs. C’est la question du suivi des évaluations des cibles 2030 liées à l’eau. S’il y a la volonté politique d’atteindre ces cibles, c’est déjà bien. Il faut réussir à faire une évaluation des indicateurs internationaux qui soit fiable, ambitieuse mais aussi responsable, et croisée dans différents domaines. Les niveaux de connaissances statistiques d’un pays à l’autre vont être différents au départ, donc le suivi des objectifs ne sera pas facile à faire. C’est la question récurrente du partage de la connaissance. Cet exercice porté maintenant par l’ONU, va imposer des cadres de réflexion peut-être innovants, des partages d’infos différents. Le tout est de se mettre d’accord sur les objectifs, les mécanismes de suivi et une évaluation qui soit crédible sur le partage des données.

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Les objectifs de développement durables doivent être possibles à atteindre. Il faut être pragmatique ».

Jean Launay

ALAIN BOINET La question des moyens financiers pour atteindre les ODD est posée. On a évoqué les chiffres de 3 300 milliards à 4 500 milliards de dollars pour le coût des ODD, dont 1 700 milliards de dollars pour l’ODD6. L’aide apportée par l’Aide Publique au Développement n’est pas suffisante puisqu’elle est actuellement de l’ordre de 145 milliards de dollars par an. Alors, comment fait-on pour trouver les financements et dans quelle mesure les financements dédiés à l’adaptation seraient-ils un moyen de financer ces objectifs ?

JEAN LAUNAY On est sur une tendance qui montre une volonté d’effet levier et qui est engagée. Si on veut réaliser ces objectifs, d’autres méthodes doivent être engagées, plus innovantes, s’appuyant plus sur les populations locales. Le PFE porte un plaidoyer sur les solutions fondées sur la nature : éviter de dégrader les systèmes naturels, respecter les zones humides. Si on accélère cette prise de conscience sur les territoires où vivent les populations et qu’on évite les pratiques qui dégradent les milieux à proximité, c’est, de fait, de l’argent qui n’est pas à investir pour reconstituer les milieux. Il y a aussi des innovations sociales. On peut imaginer la question de la tarification sociale de l’eau. Il faut faire prendre conscience que l’eau a une valeur. La pire des choses en Afrique, c’est de considérer que l’eau n’a pas de valeur et qu’elle n’est pas tarifée. Comment concilier la prise en compte de la valeur de l’eau et en même temps y intégrer une forme de tarification sociale progressive en fonction des niveaux de vie des gens. Mais cette prise de conscience internationale des ODD peut amener aussi, au-delà de l’AFD, d’autres bailleurs, des fondations, des assureurs, etc. à rentrer dans la boucle. Sans oublier le domaine de la technique, de la technologie, de la nouveauté scientifique et du partage de connaissance. Ce sont des actions concrètes dans le domaine du plaidoyer qui donnent un effet multiplicateur à l’engagement financier qui est la base de l’action.

JEAN-MARIE TÉTART Si, en France, un maire n’a pas 60 à 70 % de subventions pour l’eau, le prix de l’eau ne serait pas acceptable. C’est parce qu’il n’y a qu’un autofinancement partiel, que le prix de l’eau est acceptable. En Afrique ce sera encore pire au niveau de l’autofinancement. Il faut à la fois pouvoir mettre en place des services dont le coût ne sera pas trop élevé, et permettre une acceptation sociale du prix, puis mettre en place progressivement. S’il n’y a pas de subvention de solidarité, on n’y arrivera pas. Maintenant, il faut concevoir des techniques d’assainissement d’une façon différente en leur donnant un caractère résilient. Les ressources en eau se faisant de plus en plus rares, cela demande une nouvelle approche d’adhésion des populations, un nouveau modèle économique, des techniques différentes pour être résilientes demain. Il faut localiser l’application des ODD.

Les ODD ne sont rien s’ils ne sont pas attachés à un territoire. »

Jean-Marie Tétart

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Photos : © SOLIDARITÉS INTERNATIONAL