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Les maladies liées à l’eau – Interview avec le professeur Renaud Piarroux

Publié le vendredi 4 mars 2016
Les maladies liées à l’eau et à un environnement insalubre sont une des premières causes de mortalité. Pourtant, il existe de nombreux moyens pour contenir certaines épidémies ou prévenir certaines maladies. Le professeur Piarroux*, spécialisé en infectiologie et en médecine tropicale, a répondu aux questions de SOLIDARITÉS INTERNATIONAL.


(Propos recueillis par Jean-Marc Leblanc, référent eau, hygiène et assainissement chez SOLIDARITÉS INTERNATIONAL)

Quelles sont les maladies liées à l’eau et à un environnement insalubre qui tuent le plus ?

Tout d’abord, il y a les maladies liées à l’ingestion d’eau (maladies diarrhéiques, fièvres typhoïdes, hépatites). Viennent ensuite les maladies vectorielles (paludisme) où l’eau est le lieu de reproduction et de ponte, en particulier du moustique. Il y a aussi les maladies liées au manque d’eau comme le choléra quand la concentration de plusieurs personnes sur quelques points d’eau résiduelle facilite la transmission. Et le trachome, maladie due au fait de se frotter les yeux avec des mains sales : les paupières s’infectent et les cils viennent abimer la cornée provoquant la cécité. Enfin, il y a les maladies par contact avec l’eau comme la bilharziose mais dont le taux de mortalité est plus faible.

Certaines de ces maladies sont simples à soigner et à prévenir. Pourquoi font-elles des millions de victimes ?

Les maladies liées à l’eau sont faciles à soigner quand il y a un médecin à proximité et un système de santé efficace. Quand les gens ne savent pas que la réhydratation orale est efficace contre les maladies diarrhéiques par exemple, c’est plus complexe. Et même quand on le sait… Beaucoup de gens savent qu’il faut chlorer l’eau, se faire soigner dès qu’il y a une diarrhée, mais ils n’en n’ont pas les moyens.

Pourquoi l’eau et l’assainissement sont-ils primordiaux pour prévenir des maladies ?

Il est très important d’agir en amont. Les actions de sensibilisation, d’information et d’amélioration de l’accès à l’eau potable sont indispensables. Distribuer des pastilles de chlore a un vrai effet bénéfique lorsque la ressource en eau est contaminée par des germes. Enfin, les actions plus générales de sensibilisation au niveau des décideurs que mène notamment SOLIDARITÉS INTERNATIONAL, ont également leur importance.

Comment aller plus loin ?

La sensibilisation au lavage des mains, les actions d’information, d’amélioration de l’accès à l’eau et à son assainissement (chloration) jouent un rôle, mais cela n’empêche pas toujours les épidémies. Pour être vraiment efficace, les acteurs doivent se doter des capacités d’analyse notamment grâce à l’investigation épidémiologique. Il faut mener des actions terrains guidées par l’épidémiologie. Séparément, ces deux combats sont moins efficaces.

La pression sur certains écosystèmes risque-t-elle de favoriser la transmission et l’apparition de certaines maladies, notamment celles qui sont liées à l’eau ?

La pression sur les écosystèmes forestiers est mise en cause dans l’émergence de maladies comme Ebola, mais elle ne favorise pas vraiment l’apparition de maladies hydriques comme le choléra. En revanche, dès lors que l’on change notre rapport avec l’eau, on favorise l’apparition de bactéries, de parasites qui vont profiter d’un système au détriment d’un autre.

* RENAUD PIARROUX est professeur à l’université d’Aix-Marseille et chef de service de parasitologie et mycologie à l’Assistance Publique-Hôpitaux de Marseille. Pédiatre, spécialisé en infectiologie et en médecine tropicale, il est également spécialiste du choléra.

Choléra : la maladie des mains sales

Depuis plusieurs siècles, le choléra s’est propagé à de nombreuses reprises depuis son réservoir d’origine dans le delta du Gange et du Brahmapoutre, au Bengale, vers le reste du monde. Très contagieuse et fréquemment mortelle si elle n’est pas traitée, cette maladie se transmet par voie orale : par l’eau, par la nourriture et par les mains souillées. Elle est le résultat d’une absence d’hygiène et d’une méconnaissance de cette infection. Le choléra provoque une perte d’eau et d’électrolytes (ions contenus dans le sel par exemple) par la diarrhée et par les vomissements, qui peut dépasser 10 % du poids du corps en 24 heures. Il faut donc apporter autant d’eau et d’électrolytes que la personne en a perdus en la réhydratant. On peut empêcher les nouvelles contaminations par des mesures d’hygiène personnelles (lavage des mains, traitement de l’eau de boisson, défécation dans des latrines) et collectives (fourniture d’eau potable, gestion des excréta).

« Pour mettre fin au choléra, il faut l’éradiquer des endroits où il existe déjà, explique le Pr Piarroux. Ce sont les hommes porteurs de Vibrio Cholerae, la bactérie responsable de la maladie, qui la diffusent dans les régions non atteintes. »