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« Atteindre les ODD nécessite un retour au bon sens »

Publié le mardi 24 avril 2018

[DÉBAT] Alain Boinet, fondateur de SOLIDARITÉS INTERNATIONAL a rencontré Jean Launay, président du Partenariat Français pour l’Eau et Jean Marie Tétart, administrateur de l’Agence Française de Développement pour évoquer la place de l’eau dans l’aide publique au Développement.

Il faut faire attention à ce que les objectifs climats ne viennent pas atténuer les efforts pour l’accès aux services. »

Jean-Marie Tétart

ALAIN BOINET Notre question fait suite à l’appel que vous aviez lancé au président de la République, qui portait sur les Objectifs de Développement Durable (ODD), et sur toutes les grandes questions concernant l’eau. Les conclusions du Comité Interministériel de la Coopération Internationale et du Développement (CICID) le 8 février, véritable feuille de route du quinquennat, aborde beaucoup de sujets : l’augmentation de l’Aide Publique au Développement (APD), des moyens supplémentaires pour l’urgence humanitaire dans des situations de crise… Dans le domaine de l’eau, quel bilan faites-vous de ce CICID ?

 

JEAN LAUNAY Le Partenariat Français pour l’Eau (PFE) a rappelé au président de la République trois nécessités pour l’eau. La 1re, celle d’être exemplaire pour l’atteinte des ODD en France et dans la politique de coopération internationale de notre pays. L’objectif consacré à l’eau est une première, mais l’eau est un sujet transversal à beaucoup d’ODD. Le 2e est le suivi de l’Accord de Paris sur le climat. Ce suivi inclut aussi des engagements financiers. Pour qu’il y ait des résultats, il ne suffit pas de les déclamer, il faut aussi donner des preuves. Le 3e sujet : l’engagement dans l’APD. Le CICID de février, dont le coeur du sujet était justement de définir les priorités de notre coopération internationale, a repris un bon nombre de thèses qui étaient dans cet appel au président de la République, et on doit en être satisfait parce qu’on retrouve la cohérence souhaitable entre la déclaration politique et le passage à l’acte pour la France elle même et le fait qu’elle puisse avoir un effet levier sur les engagements d’autres pays.

JEAN-MARIE TÉTART Dans les conclusions du CICID, l’eau est traitée en 5 lignes, mais 5 lignes qui disent tout. Elles présentent l’eau comme le service des services, rappelant qu’il n’y a pas d’action pertinente sur la santé, l’éducation, l’économie… s’il n’y a pas d’eau. Elles parlent aussi de l’assainissement, qui est une condition de résilience de la pérennisation de l’accès à l’eau potable. Les objectifs du millénaire (OMD) ont permis l’accès de plus de personnes à une eau de qualité. Mais la situation pourrait rapidement se dégrader si l’assainissement n’était pas pris en compte. Les populations qui ont le moins accès à ces services sont les populations des 14 pays prioritaires de l’aide française au développement qui figurent en fin de ces conclusions. Dans ces pays, le prêt n’a pas de sens,

il faudra du don. Et c’est le don qui est privilégié dans cette feuille de route. C’est un programme cohérent qui se résume à :

  1. L’eau est un service de base pour tous, c’est le service des services.
  2. Pas de pérennité de l’accès à l’eau sans assainissement.
  3. On doit traiter de manière prioritaire les pays où la tension et la plus forte et on se donne le moyen de le faire en augmentant les dons à ce niveau.

ALAIN BOINET Que dire de la relative absence de la coopération décentralisée en rapport avec nos préoccupations ? Certains pensent qu’elle est peut-être menacée, tout comme la Loi Oudin-Santini d’ailleurs ? L’Agence Française de Développement (AFD) a vu ses budgets sur l’eau augmenter de manière considérable ces dernières années, mais c’est pour près de 90 % des prêts le plus souvent à des pays émergents dans des zones urbaines. Désormais, il devrait y avoir plus de dons comme nous le demandions, mais rien ne nous indique leur volume. Il y aura aussi proportionnellement plus d’aide de bilatérale. Que peut-on espérer, suggérer, demander en matière de don et d’aide bilatérale, en général, et dans le domaine de l’eau et de l’assainissement en particulier ?

 

JEAN LAUNAY Dans la liste des pays qui sont considérés comme prioritaire par le CICID, il n’y a que des pays africains et Haïti. Tant mieux. Il y a eu beaucoup de réunions internationales où l’on considère que l’enjeu est fort sur ce continent. Par ailleurs, le président de la République a eu l’occasion plusieurs fois de rappeler l’importance d’une coopération Nord-Sud renouvelée et d’être dans le soutien au développement avec ce continent. Il n’est pas anodin non plus que dans les conclusions du CICID, on retrouve la notion de droit à l’accès à l’eau et à l’assainissement. C’est la première fois que dans une déclaration interministérielle de ce niveau, on le retrouve réaffirmé. Les ONG qui travaillent dans ce domaine depuis longtemps doivent donc s’y retrouver. Au-delà de la déclaration, il faudra y trouver le passage à l’engagement financier. Sur le 1% (loi Oudin/Santini), il faut se battre pour le maintien et le faire vivre. C’est sécurisé juridiquement par la loi. Mais celle-ci n’est pas utilisée au maximum de ses possibilités. Il faut que tous les niveaux de collectivités qui ont la possibilité juridique de le faire, s’engagent. L’État ne peut pas rester seul. Il faut réussir à coordonner et à mettre de la cohérence politique derrière un possible engagement qui est sécurisé juridiquement et qui est confirmé dans une réunion à portée interministérielle.

JEAN-MARIE TÉTART La coopération décentralisée dans les conclusions du CICID n’est pas absente. Une page indique que le soutien financier de l’État à la coopération décentralisée sera doublé d’ici 2022. Sur l’eau, le dispositif 1% n’a pas trouvé sa rentabilité maximum. L’obstacle à la coopération décentralisée est souvent les élus eux-mêmes, qui ne franchissent pas le pas de l’engagement. Aujourd’hui, les compétences “ eau et assainissement ” vont passer dans les communautés. Ça veut dire que la carte du 1 % est en train de se rejouer. Il faut dès aujourd’hui impliquer les élus des intercommunalités.

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Grâce à ce que SOLIDARITÉS INTERNATIONAL m’a donné au centre de santé, je vais pouvoir au moins boire de l’eau sans tomber malade. ”

Zahra Danlha, Nigéria

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Photos : © Vincent Tremeau / SOLIDARITÉS INTERNATIONAL