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Rencontre avec Xavier Lauth, directeur des opérations pour SOLIDARITÉS INTERNATIONAL

Publié le vendredi 19 janvier 2024

Pouvez-vous présenter votre parcours au sein de SOLIDARITÉS INTERNATIONAL ? 

Je travaille depuis douze ans pour SOLIDARITÉS INTERNATIONAL. J’ai commencé comme stagiaire, à la fin de mes études, puis j’ai gravi différentes marches, très progressivement. Tout d’abord, responsable de projet en Haïti, au Pakistan et au Niger, puis coordinateur terrain au Tchad, au Soudan du sud et au Myanmar. J’ai ensuite été directeur Pays dans plusieurs contextes dont la République Démocratique du Congo, l’Irak, la République centrafricaine, le Nigeria. J’ai ensuite pris le poste de responsable du service Urgence au siège. Depuis septembre 2023, je suis directeur des opérations de SOLIDARITÉS INTERNATIONAL. 

Qu’est-ce que la direction des opérations ? 

C’est la face visible d’une solide construction qui démarre sur le terrain dans les bases d’opération, qui remonte aux coordinations en capitale, jusqu’aux unités géographiques au sein du siège et qui finit à la direction des opérations puis à la direction générale. C’est donc un poste managérial et stratégique avant tout, plus qu’un poste de « faiseur ». 

Une partie conséquente de mon travail est liée à la stratégie. Dans quels pays agir ? Quels programmes proposer ? Quelle pertinence à la présence de SOLIDARITÉS INTERNATIONAL dans tel ou tel contexte ? C’est aussi à la direction des opérations que les directeurs régionaux remontent des problèmes concrets qui parfois nécessitent une intervention, une validation, un endossement de la direction. Il peut s’agir de problèmes sécuritaires dans le cadre de prises de décisions sur une ouverture de mission dans un nouveau pays… Récemment je me suis rendu au Tchad et au Darfour afin de mieux comprendre, porter et soutenir les importantes opérations d’urgence que nos équipes mènent, dans un contexte très sensible. La direction des opérations doit également être porteuse de ces réalités de terrain auprès des différents départements du siège et au sein de la gouvernance de l’association afin que les décisions structurelles et stratégiques soient toujours ancrées dans le vécu de nos terrains. 

Existe-t-il une empreinte distinctive de SOLIDARITÉS INTERNATIONAL par rapport à d’autres ONG humanitaires ? 

Premièrement, on fait partie de ces ONG qui ont la notion d’intervention dans des zones difficiles d’accès chevillée au corps. SOLIDARITÉS INTERNATIONAL a développé une tradition d’urgence, d’engagement fort de la part de tous ses salariés, pour mener des actions qui ont du sens sur le terrain, en accédant aux populations les plus vulnérables qui ont subi des chocs et sont délaissées. 

Comment trouver un équilibre entre la nécessité d’être présents dans les zones les plus difficiles et la prévention des risques pour les équipes et les bénéficiaires ? 

Chaque situation humanitaire issue de conflits armés génère un lot de risques importants pour nos équipes qu’il s’agit d’appréhender. Pour cela, un travail d’analyse est systématiquement réalisé et contextualisé au plus proche de l’endroit où l’on souhaite mettre en œuvre nos opérations. Il s’agit de trouver des façons de réduire aussi bien l’impact que la probabilité de réalisation de ces risques. 

Pour ce faire, nous réalisons une analyse des risques et nous cherchons les moyens d’apporter l’aide humanitaire la plus sûre, pour nous et pour les populations affectées. Une distribution de vivres peut ainsi très bien se dérouler d’un point de vue logistique mais, sans analyse profonde de la situation, elle peut mettre en danger les hommes et les femmes bénéficiaires qui se retrouveraient à subir des pressions ou des menaces.  

Ensuite, vient le travail d’accès à la zone. Il passe par le dialogue avec les différentes parties prenantes à un conflit : c’est, autant que possible, la mise en avant pure et dure de notre mandat et de notre charte qui s’appuie sur les principes humanitaires d’impartialité, de neutralité et d’indépendance.  L’organisation travaille à s’assurer que l’on accède aux populations civiles sans que notre aide ne soit influencée par telle ou telle partie au conflit. Au Soudan, par exemple, ce travail a permis et permet encore à SOLIDARITÉS INTERNATIONAL d’opérer sur un territoire en conflit et de délivrer en toute indépendance de l’aide à toutes les populations civiles, quel que soit l’acteur qui contrôle telle ou telle zone.  

Quelles évolutions du monde humanitaire voyez-vous pour les années à venir ? 

D’abord une augmentation du nombre de crises et de leur durée : absence de solutions aux conflits qui s’allongent, multiplication des catastrophes naturelles accentuée par le changement climatique… Les raisons sont nombreuses mais le résultat est là : l’aide humanitaire est de plus en plus indispensable.

En outre, le Droit International Humanitaire, pilier de notre action, et qui fixe un certain nombre d’obligations aux États, est régulièrement bafoué, rendant nos actions et notre accès plus complexe et moins sûr. Le drapeau humanitaire n’est pas épargné par les enjeux géopolitiques globaux. Revenir aux fondamentaux de nos principes et au Droit International Humanitaire est plus que jamais essentiel pour préserver cet espace humanitaire et continuer de n’avoir pour seule boussole que les besoins des personnes affectées par les crises. 

Le secteur humanitaire est également de plus en plus complexe, technique et exigeant avec lui-même. Tous ces changements sont autant d’éléments qui nous rendent meilleurs mais que SOLIDARITÉS INTERNATIONAL doit constamment absorber : exigences accrues des bailleurs de fond, prise en compte des besoins immédiats et à venir dans la conception de nos réponses, analyse de notre impact environnemental… 

Pourquoi les dons du grand public sont-ils indispensables ?  

La différence entre les besoins de financement pour l’action humanitaire et les dons effectifs des bailleurs publics ne cesse de s’accroître et a atteint un record pour l’année 2023.  C’est à nous tous de nous mobiliser pour que les personnes en souffrance ne soient pas les victimes de cette réalité. Les dons des particuliers offrent une réactivité évidente : ils permettent de mobiliser des ressources financières sur des schémas de validation interne rapides et basés sur des analyses du terrain. C’est un élément clé pour SOLIDARITÉS INTERNATIONAL qui a parfois besoin d’agir en quelques jours. On ne peut travailler dans cette temporalité que grâce à l’argent des donateurs privés. Plus on reçoit de l’argent des donations, plus on est en mesure d’être réactifs, rapides et d’ajuster notre réponse aux besoins. Nous avons plus que jamais besoin de la générosité du public.  

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