Alors que plus de 600 000 Rohingyas ont fui les violences pour se réfugier au Bangladesh, les gouvernements birman et bangladeshi ont annoncé, le 23 novembre dernier, avoir signé un accord encadrant le retour des réfugiés au Myanmar.
Présente des deux côtés de la frontière pour apporter une assistance vitale aux communautés les plus fragiles, SOLIDARITÉS INTERNATIONAL a cosigné un manifeste commun avec plusieurs ONG exigeant notamment que les droits, la sécurité et la protection des rapatriés soient garanties avant tout processus de retour effectif.
En tant qu’organisation humanitaire, nous sommes prêts à aider celles et ceux qui le souhaitent à rentrer chez eux. Mais ce retour doit s’opérer volontairement, en toute sécurité et de manière durable et digne : non dans des camps fermés ou permanents, mais bien dans leurs habitations ou sur leurs terres.
Il doit être garanti aux personnes rapatriées des droits égaux et entiers, ainsi qu’un accès à l’aide humanitaire. De même, les ONG doivent pouvoir accéder, sans entrave, à toutes celles et tous ceux qui ont besoin d’aide humanitaire pour se rétablir et reconstruire leur vie.’’
Cristina Thevenot, responsable des opérations de SOLIDARITÉS INTERNATIONAL en Asie.
COMMUNIQUE DE PRESSE
Les organisations humanitaires réclament des garanties de sécurité et des droits pour les réfugiés avant tout retour au Myanmar.
En tant qu’ONG internationales opérant dans l’État de Rakhine, au Myanmar, nous sommes préoccupés par l’annonce faite la semaine dernière par les Gouvernements du Bangladesh et du Myanmar de commencer le retour des réfugiés du Bangladesh au Myanmar dans un délai de deux mois.
Nous saluons l’engagement pris par les Gouvernements du Myanmar et du Bangladesh de faciliter ce processus conformément aux normes internationales et nous défendons le droit fondamental des réfugiés de retourner volontairement dans leur lieu d’origine.
Toutefois, nous demandons instamment que les droits, la sécurité et la protection des rapatriés soient garantis avant tout processus de retour.
L’exode rapide de plus de 626 000 personnes de l’État de Rakhine vers le Bangladesh depuis août 2017 démontre que toutes les communautés craignaient pour leur sécurité. Nous savons maintenant, d’après les témoignages recueillis de première main auprès des réfugiés qui ont fui au Bangladesh, qu’ils ont été victimes de violences et de violations des droits de l’homme.
Comme l’ont montré de nombreuses consultations, les réfugiés au Bangladesh sont encore gravement traumatisés par leur expérience. Ils nous ont dit qu’ils ne peuvent retourner au Myanmar que s’ils reçoivent la garantie expresse que la violence et les violations des droits de l’homme qu’ils ont fuies ne se poursuivront pas et qu’ils jouiront pleinement, et sur un pied d’égalité, des droits de l’homme et des libertés à leur retour.
Les gouvernements du Myanmar et du Bangladesh doivent veiller à ce que les conditions suivantes soient remplies pour que le rapatriement au Myanmar soit totalement volontaire, en toute sécurité et dignité et conforme aux normes internationales :
1. Les réfugiés doivent être protégés contre les retours forcés dans un pays où la violence et les violations des droits de l’homme dont ils ont fui sont toujours en cours et dont un plus grand nombre de personnes continuent de fuir.
2. Les réfugiés devraient pouvoir prendre des décisions de retour en connaissance de cause sur la base d’informations complètes et vérifiables de manière indépendante sur les conditions dans les lieux de retour. Des informations complètes, gratuites et indépendantes sur tout projet de rapatriement doivent être communiquées de manière transparente, sensible et précise aux réfugiés afin d’éviter la peur et la panique.
3. Le HCR devrait jouer un rôle de chef de file dans toute opération de rapatriement, conformément aux normes internationales en matière de rapatriement librement consenti. Cela inclut le plein accès du HCR aux réfugiés au Bangladesh pour leur fournir des informations complètes, gratuites et impartiales sur les conditions et les modalités de retour et pour s’assurer qu’ils choisissent volontairement de rentrer chez eux. Au Myanmar, le HCR devrait avoir un accès garanti à toutes les zones de retour pour surveiller la sécurité et la sûreté des rapatriés.
4. Les rapatriés devraient être autorisés à retourner dans leur pays d’origine et/ou sur leurs terres, ou à l’endroit de leur choix. Il ne devrait y avoir aucune forme de camps fermés ou de campements semblables. Les OING n’opéreront pas dans de tels camps si elles sont créées.
5. Une indemnisation juste et équitable et/ou la restitution des terres, des biens et des avoirs perdus, détruits ou confisqués au Myanmar doivent être prévues comme condition de retour.
6. Ces garanties doivent s’accompagner de plans concrets et transparents visant à obliger les auteurs de violations des droits de l’homme à répondre de leurs actes, y compris des mesures assorties de délais pour permettre à une mission d’établissement des faits indépendante chargée d’enquêter sur les allégations de violations des droits de l’homme et un processus judiciaire pour obliger les auteurs de violations à rendre des comptes et inspirer confiance aux survivants.
7. Il faut garantir aux rapatriés des droits entiers et égaux. Il s’agit notamment de garantir pleinement et sur un pied d’égalité les droits à la liberté de circulation, à la liberté de religion, à la liberté d’expression et d’association, au droit au travail et à la propriété foncière et immobilière, à l’éducation, y compris l’enseignement supérieur, aux soins de santé et à d’autres services de base.
8. Les organismes humanitaires devraient bénéficier d’un accès sans entrave et durable à toutes les populations touchées afin d’évaluer de manière indépendante les besoins et de fournir une assistance et une protection globales à toutes les communautés en fonction de leurs besoins, et d’appuyer la création d’un environnement propice à un retour sûr et durable.
9. Un accès sans entrave à toutes les régions de l’État de Rakhine devrait également être accordé dès que possible à des tiers indépendants, y compris des journalistes et des observateurs des droits de l’homme.
10. Des plans et des efforts concrets pour s’attaquer aux causes profondes de la crise des réfugiés devraient faire partie intégrante de tout processus de retour. Les recommandations du rapport de la Commission consultative sur l’État de Rakhine, y compris celles sur la citoyenneté, devraient servir de modèle pour s’attaquer à ces causes profondes. Alors que les OING sont encouragées à voir la création du Comité de mise en œuvre des recommandations de la Commission consultative sur les recommandations de l’État de Rakhine, nous sommes préoccupés par le fait qu’il devrait inclure la représentation et la participation des communautés locales affectées, des Nations Unies et des organisations humanitaires, ainsi que d’autres parties prenantes, afin de réaliser des progrès réels au niveau local.
11. En liaison avec la mise en œuvre progressive par le Gouvernement des recommandations de la Commission consultative sur les droits de l’homme et les questions humanitaires, la communauté internationale doit également prendre des mesures pour collaborer avec le Gouvernement à la mise en œuvre des recommandations qui favorisent le développement de l’État de Rakhine pour tout son peuple.
12. Les efforts visant à promouvoir la réconciliation, la réintégration et la coexistence pacifique et l’harmonie entre les communautés doivent être considérés comme prioritaires au sein de l’État de Rakhine afin que les retours soient sûrs et durables et qu’ils évitent les cycles futurs de violence et de déplacement. La communauté internationale devrait travailler en étroite collaboration avec les autorités de Rakhine et les organisations de la société civile pour y parvenir.
En tant qu’organismes jouissant d’une présence significative et d’une longue tradition d’appui à toutes les communautés et au gouvernement local de l’État de Rakhine, au Myanmar, nous sommes prêts à aider ceux qui souhaitent rentrer chez eux lorsqu’ils pourront le faire en toute sécurité et de manière durable. Nous sommes déterminés à aider tous les groupes qui ont été touchés par la violence récente à se rétablir et à reconstruire leur vie et à aider tous les groupes qui vivent dans l’État de Rakhine à instaurer l’égalité, la prospérité et la paix.’’
Cristina Thevenot, responsable des opérations de SOLIDARITÉS INTERNATIONAL en Asie.
Signataires :
Consortium Dutch NGOs (CDN) Save the Children
Care International SOLIDARITÉS INTERNATIONAL
Action Contre La Faim World Vision International
Lutheran World Federation Church for Sweden
Mercy Corps Norwegian Refugee Council
Norwegian Refugee Council Dan Church Aid
Oxfam Handicap International
Médecins Du Monde