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Chute d’El Fasher : le calvaire sans fin des civils soudanais

Publié le mardi 4 novembre 2025

La population soudanaise paie le prix fort de la prise d’El-Fasher, lundi 27 octobre. Après dix-huit mois de siège, sans accès à l’aide humanitaire, des dizaines de milliers de civils fuient désormais la ville et cherchent refuge dans les localités alentour.  

Lundi dernier, la ville d’El-Fasher, dans l’État du Nord-Darfour, est tombée aux mains des paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR), au terme d’un siège de plus de dix-huit mois. Une escalade de violence redoutée dans ce conflit meurtrier qui dure depuis plus de deux ans. Les habitants restants à El-Fasher, estimés à 250 000 personnes, fuient les combats. Des déplacements périlleux, alors que les personnes déjà affaiblies sont contraintes d’emprunter des routes exposées aux pillages et aux exactions.  

Une fuite périlleuse 

On reçoit des gens qui sont blessés, traumatisés, déshydratés. On voit clairement qu’ils n’ont rien eu à manger pendant longtemps, alerte Caroline Bouvard, directrice Soudan pour SOLIDARITÉS INTERNATIONAL, présente à Tawila, ville située à une soixantaine de kilomètres à l’ouest d’El-Fasher. Sur la route, des femmes, des enfants, des personnes âgées, en camion quand il leur reste un peu d’argent, à pied, sinon. Des hommes seuls, aussi, anciens combattants de l’armée régulière qui viennent rendre les armes. Au total, à Tawila, plus de 7 000 personnes sont arrivées d’El-Fasher depuis la semaine dernière. “C’est peu, comparé aux 250 000 personnes qu’on estime être encore là-bas”, observe la directrice pays. 

Le “blackout des communications interroge sur le devenir des habitants qui n’ont pas pu quitter la ville. “On estime qu’il y a probablement au moins 10 000 à 15 000 personnes qui ont fui et sont coincées dans les villages alentour entre Tawila et El-Fasher, sans possibilité de se déplacer.” Une situation préoccupante car pour ces petites localités “c’est ingérable, ils n’ont pas la capacité ni de les nourrir ni de leur donner suffisamment à boire”, poursuit Caroline Bouvard.  

  • 51,6 millions d'habitants
  • 172ème sur 193 pays pour l'Indice de Développement Humain
  • 499 406 personnes bénéficiaires

Le manque d’accès à l’eau 

Dans une telle promiscuité, répondre aux besoins de chacun est mission impossible. L’accès à l’eau et à l’hygiène est particulièrement critique. “Avant la nouvelle vague de déplacements, moins de 20% des besoins en eau potable étaient couverts à Tawila”, souligne Caroline Bouvard. À cause du nombre insuffisant de puits et de camions-citernes pour acheminer de l’eau, “les gens se débrouillent, ils utilisent des puits non sécurisés ou bien ils achètent à des marchands de l’eau pas toujours propre”, explique-t-elle. 

Un terrain propice aux épidémies, comme le choléra, qui depuis le mois de juin a affecté plus de 7 500 personnes à Tawila. Alors, pour faire face à l’élargissement du camp, des réservoirs d’eau et des latrines d’urgence sont installés, et nos équipes se préparent à une éventuelle recrudescence du nombre de cas de choléra.  

Des personnes déplacées qui manquent de tout 

À Tawila aussi, les besoins sont criants. Cette ville était encore il y a peu de temps habitée de quelques dizaines de milliers d’âmes. Mais la guerre l’a transformée en un gigantesque camp de déplacés où s’activent des humanitaires pour apporter une aide aux 775 000 personnes qui y ont trouvé refuge – un nombre qui a plus que triplé depuis le mois d’avril, à mesure que les Forces de soutien rapide gagnaient du terrain vers El-Fasher. 

Si bien que, désormais, les abris de fortune s’étendent à perte de vue. “Le camp principal fait déjà 6 kilomètres de long, décrit Caroline Bouvard. Les nouveaux arrivants ont dû s’installer dans des espaces temporaires où ils resteront jusqu’à la fin de la saison agricole qui devrait libérer des parcelles.” En attendant, ils ont fabriqué des huttes en paille, à partir de tiges de sorgho et de millet, qu’ils recouvrent des bâches distribuées par les organisations comme SOLIDARITÉS INTERNATIONAL. Une solution précaire, mais sans alternative, pour retrouver un toit.  

Manque de moyens 

La crise au Soudan, bien qu’elle soit régulièrement qualifiée par les Nations unies de “pire crise humanitaire au monde”, pâtit du manque de financement et d’intérêt de la part des bailleurs et de la communauté internationale. Chiffre significatif : en 2025, seuls 25% des fonds nécessaires à couvrir les besoins humanitaires dans le pays ont été versés¹.  

Malgré ces moyens limités, les équipes de SOLIDARITÉS INTERNATIONAL au Darfour font tout leur possible pour se rapprocher d’El-Fasher et des civils toujours pris au piège des combats, privés d’aide humanitaire depuis de long mois. Sans renforcement de la pression internationale pour permettre l’accès et l’acheminement de l’aide humanitaire, les Soudanais et les Soudanaises continueront de payer le prix fort de la guerre. 

Sources :
¹ News UN 

Photo : © SOLIDARITÉS INTERNATIONAL

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