www.solidarites.org

BANGLADESH : Une réponse commune aux inondations

Publié le lundi 20 octobre 2014

Au mois d’août 2014, de fortes pluies tombées dans les principaux bassins fluviaux du Bangladesh – ainsi que dans les bassins versants en amont de l’Inde voisine – ont provoqué d’importantes inondations dans la zone nord-ouest du pays.

Deux volontaires australiens, Jennifer Burley et Liam Costello – dont la première travaille pour SOLIDARITÉS INTERNATIONAL – ont fait partie de l’équipe chargée de coordonner une évaluation commune des besoins suite aux inondations (en anglais, Joint Needs Assessment) avec le soutien de DFID et ECHO, permettant à la communauté humanitaire de comprendre la nature et l’impact de la catastrophe et facilitant le développement d’une base de données à partir de laquelle les agences humanitaires ont pu mettre en place une réponse. Le but ultime ? Augmenter l’efficacité de l’aide via la mise en place de réponses coordonnées.

Au Bangladesh, les inondations représentent un phénomène naturel et récurrent. Au cours d’une année type, elles touchent entre un cinquième et un tiers du pays. Or, le Bangladesh dépend des inondations annuelles pour faciliter la riziculture dans les zones de plaine et pour nourrir sa population, qui s’élève à plus de 150 millions de personnes. Dans ce sens les inondations, à la fois nourrissantes et destructrices, représentent une dichotomie. En 2007, des inondations extrêmes ont touché à peu près 68% du pays. Dans un tel contexte, il est difficile de prédire ainsi que de mesurer ce genre d’événement.

En 2014 encore une fois, les inondations ont eu un impact important sur les régions situées en plaine du Bangladesh. Fin août, le gouvernement annonce que plus de 160 000 personnes ont été touchées par les inondations et vivent désormais dans des conditions de plus en plus précaires. D’après les prévisions météorologiques, les pluies allaient continuer. De l’autre cote de la frontière, en Inde, il y avait aussi une possibilité de déversement des eaux en provenance de barrages situés en amont. A la suite d’une première aide d’urgence apportée par le gouvernement et quelques ONG, les acteurs spécialisés dans les réponses aux catastrophes naturelles ont demandé une évaluation multisectorielle mieux coordonnée de l’impact des inondations.

Coordonner les réponses pour fournir une aide humanitaire plus efficace

Solidarités International Team Bangladesh équipe inondations floodingAu Bangladesh, le gouvernement et les ONG se réunissent sous la bannière du HCTT (Humanitarian Coordination Task Team des Nations Unies [1]). En collaboration avec le Département de la Gestion des Désastres du gouvernement bangladais, cet organisme cherche à encourager les interventions conjointes visant des objectifs partagés, tout en augmentant l’efficacité de l’aide via la mise en place de réponses coordonnées.

En réponse aux inondations, le HCTT a déclenché une action commune à l’échelle nationale dans neuf districts du pays, impliquant une première évaluation du nombre de personnes affectées, ainsi que du niveau d’accès à la nourriture, à l’eau, à l’assainissement, aux marchés, à l’éducation et aux structures de santé. Une telle action s’appuie sur une forte collaboration entre les agences participantes, et sur des contributions volontaires en nature. Dans ce cas précis, l’évaluation a mobilisé 183 employés venant de 28 organisations, déployés sur 300 sites sur quatre jours. Les équipes terrain ont transmis leurs données a une équipe basée à Dhaka, qui a travaillé pendant tout le weekend afin d’analyser l’ampleur de la catastrophe, les zones les plus gravement affectées, et les besoins immédiats et plus long-terme. Une première ébauche du rapport de 50 pages, a été transmise à l’ensemble des acteurs impliqués dans les quatre jours suivant la réception des données.

Analyser les données pour ne pas s’alarmer

Jennifer Burley BangladeshJennifer Burley, actuellement Chargée de la Réduction des risques liés aux catastrophes et du Changement climatique chez Solidarités International, a joué un rôle clé dans la rédaction du rapport. Parmi ses responsabilités figurait la compilation des informations contextuelles venant des rapports fournis par le gouvernement et les ONG. Cette expérience a permis à Jennifer d’effectuer une analyse et de développer des conclusions et des recommandations multisectorielles, lui donnant un vrai aperçu du fonctionnement très complexe du système de coordination humanitaire.

En tant que Chargé de la Gestion de l’Information au sein du Cluster Sécurité Alimentaire au Bangladesh, Liam Costello était responsable du traitement et de l’analyse des données pendant l’évaluation. Dans ce cadre, il a également présenté les conclusions de l’évaluation devant une assemblée composée de chefs des agences onusiennes, de représentants des bailleurs, d’ONG internationales et d’acteurs gouvernementaux. Les chiffres figurant dans le rapport étaient effarants : 1,8 million de personnes avaient été touchées par les inondations, et 230 000 déplacées. Leur accès aux structures de santé et aux écoles a été fortement réduit. Dans certaines régions, la destruction des latrines a eu un impact sur le système d’approvisionnement en eau. Plusieurs marchés étaient par ailleurs inaccessibles, ou bien ne fonctionnaient plus du tout.

Même s’il est facile de s’alarmer face à l’impact des catastrophes naturelles au Bangladesh, il semble que les observateurs présents depuis longtemps ainsi que la population locale sont devenus indifférents face à ce genre d’événement en raison de leur fréquence. Les stratégies d’adaptation mises en place par les communautés affectées ont déjà fait leurs preuves à plusieurs reprises. Dans le cas des petites ou moyennes inondations, les communautés savent vers où évacuer, et comment s’y rendre. Les gens s’installent souvent dans des zones qu’ils savent inondables mais ils préfèrent prendre ce risque afin de se rapprocher de l’eau et d’un sol fertile – et donc que faire dans le cas où il faut se déplacer ?

Mieux se préparer pour faire face à de futurs risques

L’importance relative des inondations de cette année reste à confirmer. Cependant il est clair qu’elles n’auront pas été aussi destructrices que les cinq fortes inondations ayant eu lieu depuis 1987, dont chacune a touché jusqu’à 60% du territoire bangladais et a généré des dégâts évalués entre un et six milliards de dollars. La triste réalité est qu’une catastrophe de cette ampleur a de fortes chances de se reproduire dans les cinq ou dix ans. Rares sont les années durant lesquelles les Bangladais ne sont pas touchés par des inondations. En effet, les inondations sont de plus en plus présentes dans le cycle annuel du pays. Plusieurs facteurs contribuent à cette tendance. Dans un premier temps, les deux tiers du territoire bangladais se situent à moins de 10m au-dessus du niveau de la mer. Viennent s’ajouter un climat de moins en moins prévisible et un réseau national d’infrastructures peu fiable. Par ailleurs, à cause de la densité de population, l’impact humain des inondations est quasiment systématique.

Cependant, le Bangladesh est de mieux en mieux préparé aux inondations, grâce à des systèmes de veille et d’alerte, des maisons de mieux en mieux conçues, une meilleure gestion de l’agriculture et du plan d’occupation des sols, et le développement à la fois de son capital social et de sa capacité économique. Le Bangladesh est le cinquième pays du monde le plus vulnérable aux catastrophes naturelles. C’est pourquoi l’aide d’urgence et les évaluations permettant de la définir, restent un élément essentiel de la gestion des inondations dans le pays.

Cet article, co-écrit par Jennifer Burley et Liam Costello, a été publié pour la première fois sur volunteering.scopeglobal.com.

[1] Groupe de travail pour la coordination humanitaire

  • 165,65 millions d'habitants
  • 129ème sur 191 pays pour l'Indice de Développement Humain
  • 29 780 personnes bénéficiaires