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Emmanuelle Le Roy (Coordinatrice programmes) : être une femme expatriée en Afghanistan

Publié le jeudi 9 juillet 2015

Chez SOLIDARITÉS INTERNATIONAL, on respecte le cadre culturel des pays dans lesquels on intervient. Être femme en Afghanistan peut être pesant : tout décolleté est à bannir, on ne peut pas montrer ses chevilles, il faut toujours avoir son voile et des vêtements larges et des tuniques qui cachent les fesses. C’est la mode de la robe sur pantalon.

Il y a différents types de codes comme par exemple monter devant ou derrière en voiture, à côté de qui on s’assoit, serrer la main ou non pour saluer… Étrangement ces restrictions induisent aussi sur la personnalité et la position de leadership ; ça a été plus difficile au début d’adopter une position de manager quand tout un cadre voudrait nous maintenir en retrait parce que nous sommes des femmes.

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Néanmoins, toutes ces contraintes restent vivables, et il y a beaucoup de monde, y compris des femmes, qui aiment beaucoup ce contexte. Les règles de sécurité au sein des ONG peuvent cependant paraitre pesantes car elles nous coupent de l’extérieur.
On a une vision du pays extrêmement limitée, partielle et fragmentée car on n’y a accès presque exclusivement que par le prisme des revues de presse, les alertes sécurité et les rapports sur la situation et les besoins humanitaires.

« Tu n’es pas un homme, mais tu n’es pas vraiment une femme non plus. »

Cela influe aussi sur les relations avec les équipes, car ils ne savent pas dans quelle case nous placer. Tu n’es pas un homme, mais tu n’es pas vraiment une femme non plus à leurs yeux. On est plus proches d’être des hommes de par notre position de manager, mais on n’en est pas complètement non plus. Ca dépend des personnes mais on ne se sent pas toujours à l’aise.

Il y a des situations où il y a un mépris de la femme, qu’il s’agisse d’une expatriée ou non, donc il faut s’y attendre. On arrive à être surprise quand un expatrié fait preuve de galanterie car les hommes afghans ne le feront pas à l’exception de quelques-uns. Personne ne vient porter votre sac ou laisser passer une femme devant, sauf quand ce sont des gens qui ont voyagé ou qui ont vécu en ville.

On en vient à se mettre soi-même la pression en tant que femme, à adopter la position qu’on nous donne, à mettre en berne nos propres idées sur l’égalité des sexes, sans même parler de féminisme. A chaque fois qu’il faut parler au gardien ou au chauffeur, on se sent obligée de remettre son voile. Mais l’on ne sait pas au final ce qui dérange ou choque et où est la limite. C’est difficile de savoir si l’on en fait trop ou pas assez, sans même prendre les extrêmes (burqa ou vêtements transparents). Il est difficile de se positionner entre les deux.

Il est très important de noter que le vécu est très différent selon les endroits où on travaille :

A Khost, sur la frontière avec le Pakistan, par exemple, c’est une culture très conservatrice, dans le camp où l’on travaille mais aussi dans les équipes. Nous avons 6 employées femmes, chargées de la promotion de l’hygiène. Elles arrivent en burqa qu’elles enlèvent au bureau, mais elles travaillent dans une pièce fermée. Un homme qui veut rentrer doit frapper afin qu’elles remettent leur voile. Les gens sont extrêmement gentils et hospitaliers, mais ils ne savent pas comment s’y prendre car ils n’ont pas l’habitude des femmes étrangères. Les expatriés vivent avec les équipes, donc il faut être voilée dès qu’on sort de sa chambre. A table, on mange avec eux, mais c’est parfois difficile d’être la seule étrangère, car on ne se sent pas forcément de prendre la parole et on a souvent une assiette pour soi, tout seul, quand l’habitude veut plutôt de partager et de manger à deux dans la même assiette. Mais avec le temps, ils nous acceptent et la gêne s’estompe de part et d’autre.

A Bamyan, le contexte est totalement différent ; les femmes font preuve de plus de caractère. Dans les villages, elles ne portent pas la burqa, un peu en ville. Là aussi, on vit avec les équipes. Le voile peut tomber par accident, ce n’est pas grave. Il y a des gens qui travaillent depuis 10 ans ou plus avec SOLIDARITÉS INTERNATIONAL, ils ont l’habitude des femmes expatriées. Il faut quand même faire attention à la différence culturelle, mais c’est moins prégnant. Pour les repas il n’y a pas tout ce protocole que l’on trouve à Khost par exemple.

A Kabul, c’est entre les deux. On ne porte pas le voile dans le bureau, mais il faut quand même faire attention à la façon de s’habiller et de se comporter.

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