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Suspension des financements américains : notre mandat humanitaire comme seule boussole

Publié le mercredi 26 mars 2025
        Par Kevin Goldberg, directeur général de SOLIDARITÉS INTERNATIONAL

 

Suite à l’annonce fin janvier du gel des financements américains de l’aide internationale, notre ONG, comme l’ensemble des acteurs du secteur humanitaire, a dû faire face à une série d’annonces et de demandes contradictoires de la part de nos partenaires et bailleurs d’outre-Atlantique : suspension de nos projets dans les 15 pays dans lesquels nous bénéficions de financements américains le temps de leur examen sous 90 jours, puis reprise des activités de réponse aux besoins vitaux sous réserve d’examen toujours, injonction d’arrêt définitif de nos programmes dans 9 de ces 15 pays d’intervention, avant la réception de nouveaux e-mails nous informant de l’annulation de l’injonction d’arrêt et de la reprise de l’étude de nos programmes dans 8 des 9 pays où l’aide devait s’interrompre… 

Enfin, ce mardi 25 mars, deux mois après le début du gel de l’aide américaine, nous apprenons avec soulagement que nos programmes au Burkina Faso, Niger, Soudan du Sud, Soudan, Syrie, Tchad, Cameroun et Yémen ont été examinés et ont obtenu l’autorisation de reprendre. 

Si nous nous félicitons de ces conclusions et de l’écoute finalement portée à la nécessité de maintenir l’aide vitale que nous prodiguons, il reste des exceptions qui auront des impacts notables. Ainsi, au Mozambique, notre programme financé par l’aide américaine a pris fin de façon abrupte et définitive, tout comme notre projet de distribution de moyens financiers pour les personnes affectées par le conflit au Yémen. Au total, ce sont plus de 200 000 personnes en situation de grande vulnérabilité que nous laissons, à contrecœur, sur le carreau du jour au lendemain. Un drame humain qui se répercute également sur nos équipes, qui doivent tenter d’en expliquer les raisons, tout en étant confrontées à la perte de leur emploi. Concrètement, cette décision se traduit par la fermeture de bases opérationnelles comme celle de Mocímboa da Praia, dans le nord du Mozambique, une région durement éprouvée par la reprise du conflit et par les conséquences dramatiques du passage du cyclone Chido en décembre dernier. 

De façon plus générale, cette séquence douloureuse aura fait naître une vraie inquiétude sur l’avenir de nos programmes et sur la potentielle remise en question d’une aide humanitaire indiscriminée. Malgré les incertitudes, nous avons, dans cette crise, décidé de maintenir autant que possible nos activités de réponse aux besoins vitaux. Ce choix, bien qu’il présente un risque financier, nous a paru le seul possible : celui d’honorer notre mandat humanitaire. Un mandat qui nous engage également à poursuivre une aide impartiale, qui n’a d’autre considération que celle des besoins, dans le respect des principes humanitaires. 

Mais pourrons-nous longtemps maintenir ce positionnement ? Nous assistons aujourd’hui à une baisse rapide des ressources disponibles pour répondre aux besoins humanitaires tout autour du monde. Au-delà des Etats-Unis, les autres principaux pays donateurs font aussi le choix d’un désengagement budgétaire qui aura des conséquences plus que funestes. C’est le cas de la France (baisse de 37% du budget de l’Aide Publique au Développement), mais aussi de l’Allemagne, de la Suisse, du Royaume-Uni, des Pays-Bas ou encore de la Belgique. 

A notre échelle, nous mettons en place des mesures d’adaptation douloureuses et explorons d’autres alternatives de financement pour tenter de compenser cette baisse de moyens. Surtout, nous nous projetons sur la suite, car pour continuer d’agir, c’est tout un modèle qu’il faut collectivement réinventer. Dans ce nouveau paradigme, nous aurons besoin de votre soutien. Demain, votre engagement à nos côtés et votre confiance feront plus que jamais la différence. 

Depuis 45 ans, notre engagement humanitaire n’a jamais faibli, notre action est une réponse à un devoir d’humanité : aider celles et ceux dont la santé et la vie sont en danger. C’est avec la mobilisation de tous que nous y parviendrons. En 2025, l’ONU estime qu’au moins 122 millions de personnes¹ ne bénéficieront d’aucun programme humanitaire alors que leurs besoins vitaux sont menacés. 

 

Photo d’en-tête : © Bebe Joel Hillary / SOLIDARITÉS INTERNATIONAL

¹ Humanitarian Action 

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