Marjolaine Bos, coordinatrice terrain pour SOLIDARITÉS INTERNATIONAL est de retour du Soudan du Sud après un an et demi de mission. En cette journée mondiale du climat, elle fait état (et pousse un coup de gueule) des ravages causés par les inondations et le réchauffement climatique, qui touchent une population déjà affectée par des années de crise.
Jeudi 25 novembre, il est 6 heures du matin, et je suis dans le taxi qui me ramène de l’aéroport après un an et demi de mission humanitaire au Soudan du Sud pour SOLIDARITÉS INTERNATIONAL. Étonnement, le chauffeur qui me pose cette question semble mieux connaître la situation de ce pays que la plupart de mes amis qui ne différencient toujours pas le Soudan et le Soudan du Sud, plus jeune pays du monde ayant pris son indépendance il y a 10 ans.
Et oui, c’est un peu la merde. Le Soudan du Sud, c’est près de 75% de la population dans le besoin, 7.2 millions de personnes en insécurité alimentaire sévère, 1,4 millions d’enfants malnutris, et une espérance de vie à 58 ans.
Je rentre fatiguée et frustrée de cette mission où l’aide humanitaire est plus nécessaire que jamais, mais où les fonds disponibles diminuent chaque année, malgré l’accélération de la crise. Cette année, des inondations ont affecté 780 000 personnes dans le pays. Ni la population, ni les organisations humanitaires n’étaient prêtes à faire face à l’ampleur inédite de ce phénomène, conséquence du réchauffement climatique.
Ce manque d’anticipation n’est pas anodin pour les populations : les ressources humanitaires ne sont pas dimensionnées pour faire face à la crise, et le peu disponible demande une logistique extraordinaire pour être distribué. Cela explique que le Programme Alimentaire Mondiale ne réponde qu’à 30% des besoins de la population déplacée, qui a pourtant perdu ses récoltes et jusqu’à 70% des élevages lors de la montée des eaux, et dont la survie dépend désormais des distributions de nourriture.
Pour distribuer des pastilles de purification d’eau à certaines communautés, les équipes de SOLIDARITÉS INTERNATIONAL doivent faire 7 heures de canoë dans les herbes hautes, s’exposant au risque de paludisme et aux morsures de serpents. Mais cette activité est trop importante pour abandonner. 80% de la population du territoire n’a pas accès à de l’eau potable, à du savon ou à des latrines, recette parfaite pour des épidémies de maladie hydrique comme le choléra.
Soudan du Sud
Contexte et action- 11,1 millions d'habitants
- 191ème sur 191 pays pour l'Indice de Développement Humain
- 165 222 personnes bénéficiaires
Les structures de santé n’étant pas accessibles, ou n’ayant pas assez de médicaments, la prévention des maladies reste la meilleure stratégie. Un chef de village m’a téléphoné pour me demander s’il était possible de lui donner des canoës, trois personnes de sa communauté ayant trouvé la mort en tentant de traverser les eaux qui entouraient leur village pour rejoindre la structure de santé la plus proche.
Nous assistons donc à un véritable drame humain et climatique. La majorité de la communauté internationale n’aurait-elle pas fait le choix de rester spectatrice, attentiste, voire de détourner le regard ? Alors que d’autres catastrophes parviennent à émouvoir la planète entière, le Soudan du Sud rejoint le clan peu prisé des crises oubliées. Je ne peux donc pas m’empêcher de constater que toutes les vies humaines n’ont pas la même valeur.
On m’a souvent posé la question de savoir s’il était encore pertinent d’apporter de l’aide au Soudan du Sud. « Cela fait des années que l’on injecte de l’argent, est-ce qu’il ne faudrait pas laisser le pays prendre ses responsabilités ? ». Cela m’a souvent tenue éveillée dans ma tente à Aburoc, un camp de déplacés de 10 000 personnes où SOLIDARITES INTERNATIONAL assure l’accès à l’eau potable.
Le Soudan du Sud contribue à 0,1% des émissions mondiales de gaz à effets de serre mais est le 8ème pays le plus impacté par le réchauffement climatique en 2021 d’après le think tank Germanwatch. Ce chiffre dit tout : les pays les plus pauvres de cette planète payent les modes de vie des pays les plus riches. Et ces derniers ne sont prêts ni à l’entendre, ni à en prendre la responsabilité. Alors oui, je suis convaincue qu’il faut continuer à soutenir le Soudan du Sud.
En ce 8 décembre, journée mondiale du climat, on va tous entendre des déclarations sur l’état catastrophique de la planète. Ne serait-il pas temps de lui faire une place sous le sapin, et de faire un don à une organisation supportant les victimes qui seront de plus en plus nombreuses ces années à venir ?