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Populations non raccordées à l’eau en France : une première reconnaissance

Publié le vendredi 17 mars 2023

430 000, c’est le nombre de personnes sans domicile ou vivant en habitats de fortune en France métropolitaine aujourd’hui, qui disposent d’un accès inexistant ou insuffisant à l’eau potable à leur domicile¹. Ces personnes sont contraintes de s’approvisionner en eau via des bornes incendies, des fontaines publiques, etc. Pour la première fois, grâce à la transposition d’une directive européenne, le droit français reconnaît leur existence en tant que « personnes non raccordées à l’eau potable » et clarifie la responsabilité des communes et des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) face à cette situation. C’est une réelle avancée que les équipes de SOLIDARITÉS INTERNATIONAL vont accompagner dans sa mise en application.  

Aujourd’hui, faire plusieurs kilomètres par jour, transporter à la main des litres d’eau pour se laver, boire ou encore laver ses vêtements, c’est le quotidien de dizaines de milliers de personnes en France métropolitaine et en outre-mer. Sans domicile ou vivant dans des habitats précaires (bidonvilles, squats, campements, situation de rue…), ces personnes n’ont pas accès à l’eau potable. On les appelle les « non raccordées ». Elles dépendent des structures extérieures et publiques pour leurs besoins quotidiens : fontaines, robinets de squares ou de stades, bornes incendies voire parfois rivières ou cours d’eau  

En janvier 2023, la directive européenne « Eau potable » 2020/2184 dont l’article 16 vient encadrer l’accès à l’eau potable des populations vulnérables et marginalisées, a été transposée en droit français. Une ordonnance² et un décret d’application³ ont été publiés respectivement le 22 et le 29 décembre 2022. 

De nombreuses avancées sont à souligner. Pour la première fois, le droit français reconnait l’existence de ces publics non raccordées à l’eau et apporte des éléments pour leur venir en aide. Un véritable pas en avant vers la reconnaissance des droits de ces personnes !  

D’autres améliorations contenues dans ces textes sont à noter comme la présence d’une définition de la quantité minimale d’eau nécessaire par jour et par personne pour couvrir leurs besoins essentiels ou encore l’extension des compétences de responsabilités des communes et des EPCI vis-à-vis de ces personnes non raccordées.

  • 68 millions d'habitants
  • 28ème sur 191 pays pour l'Indice de Développement Humain
  • 5 035 personnes bénéficiaires

Une méthodologie est même proposée avec l’initiation d’une phase de diagnostics pour identifier et recenser les personnes n’ayant pas ou peu d’accès à l’eau. Cette dernière sera accompagnée d’un calendrier de mise en œuvre des diagnostics et de réalisation des travaux d’ici à 2030.  

En revanche, il existe de nombreux défis pour l’application de ces nouveaux textes. 

L’information, la sensibilisation et l’accompagnement des personnes non raccordées mais aussi des acteurs sociaux qui leurs viennent en aide est un élément majeur de la mise en place de ces nouvelles normes législatives et réglementaires. Il est essentiel que les associations ou membres de la société civile présent sur le terrain soient mobilisés dans le cadre de l’identification des personnes non raccordées. Ce sont des acteurs clé qui vont jouer un rôle important dans l’application de ces textes.  

Un autre point de vigilance à noter est celui du cas des départements et régions d’outre-mer. Les nouveaux textes sont applicables à ces zones et une attention très particulière devra être portée à leur déclinaison sur place du fait des spécificités de ces territoires et du risque important de difficultés de mise en œuvre concrète par rapport à la métropole.  

Enfin, il n’existe pas aujourd’hui d’indicateurs permettant de définir concrètement la notion d’accès “suffisant et adapté à l’eau potable” s’appuyant, par exemple, sur les distances à parcourir jusqu’au point d’eau, le coût de l’eau ou encore la présence d’infrastructures publiques d’approvisionnement en eau. L’absence de tels indicateurs laisse une large marge de manœuvre aux collectivités compétentes pour évaluer les situations des personnes non raccordées au risque de ne pas répondre suffisamment à leurs besoins. Pour cela, l’ONG SOLIDARITÉS INTERNATIONAL et ses interlocuteurs associatifs et ministériels vont produire des guides méthodologiques et des outils pour faciliter la prise en mains de ces actions par les territoires. 

Si cette ordonnance et son décret d’application apportent un nouveau cadre et une véritable reconnaissance de la difficulté de l’accès à l’eau pour les populations non raccordées, SOLIDARITÉS INTERNATIONAL et ses partenaires restent mobilisés pour la consécration d’un véritable droit à l’eau⁴ 

Pour aller plus loin, lisez l’article de décryptage sur la reconnaissance en droit français de l’existence des personnes non raccordées à l’eau potable et la vidéo de vulgarisation ci-dessous.

↓ Accès à l’eau potable : ce qui change en 2023 ↓

¹ 28ème Rapport du Mal-Logement de la Fondation Abbé Pierre (FAP) : https://www.fondation-abbe-pierre.fr/actualites/28e-rapport-sur-letat-du-mal-logement-en-france-2023  

² Ordonnance n° 2022-1611 du 22 décembre 2022 relative à l’accès et à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine 

³ Décret d’application n° 2022-1721 du 29 décembre 2022 relatif à l’amélioration des conditions d’accès de tous à l’eau destinée à la consommation humaine. Art. L. 1321-1 B. de l’ordonnance : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000046780481 

https://www.un.org/fr/global-issues/water 

© Michael Bunel