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Mayotte : six mois après Chido, retour à la case départ

Publié le mercredi 11 juin 2025

Le 14 décembre 2024, le cyclone Chido s’abattait sur Mayotte, laissant derrière lui un bilan humain et matériel très lourd. Manon Gallego, directrice pays France pour SOLIDARITÉS INTERNATIONAL, fait le point six mois après le passage de la tempête.  

Peux-tu rappeler dans quelle situation se trouvait Mayotte avant le passage de Chido ?  

Mayotte est un département français qui manque cruellement de tout. Avant Chido, il y avait déjà des besoins dans tous les secteurs essentiels : l’éducation, la santé, la sécurité alimentaire, l’habitat, ou encore l’accès à l’eau, à l’hygiène et à l’assainissement (EAH), pour lesquels SOLIDARITÉS INTERNATIONAL intervient depuis 2022. En raison de sa position géographique, Mayotte connaît aussi des pressions migratoires assez fortes, et, comme on l’a vu avec le cyclone, des pressions environnementales. L’île est en zone tropicale, donc exposée à de forts risques climatiques, qui s’intensifient déjà. Donc, Mayotte, en réalité, c’est une situation politique, économique et sociale très complexe, à laquelle le passage du cyclone a rajouté une couche supplémentaire d’urgence et de difficultés.  

Six mois après, quel est l’état de l’archipel ? 

Aujourd’hui, quand on arrive à Mayotte, on voit qu’il y a des tuyaux, des câbles électriques et des bâtiments en dur qui sont encore en train d’être réparés. Les stigmates du cyclone sont encore visibles, des toitures manquent, des vitres sont cassées… C’est aussi dû au fait que le nombre de chantiers a été faramineux et que les entreprises de reconstruction ont mis du temps à se relever de la crise. En revanche, dans les quartiers d’habitat informel où nous travaillons, c’est impressionnant, car Chido avait tout détruit, et très rapidement, avec un support limité, les personnes y vivant ont tout reconstruit presque à l’identique, avec des matériaux récupérés ici et là. C’est une réaction de survie, personne ne laisse ses enfants dormir sous la pluie. Donc finalement, on a le sentiment d’être revenus à la situation très précaire qui précédait le cyclone.  

  • 68,4 millions d'habitants
  • 28ème sur 191 pays pour l'Indice de Développement Humain
  • 8 194 personnes bénéficiaires

Dans quelles conditions travaillent aujourd’hui les équipes ?  

Les équipes ont été particulièrement éprouvées par le cyclone, elles ont dû mettre leur famille à l’abri et ont subi des dégâts matériels, comme toute la population de l’île. Nous avons renforcé nos effectifs pour leur permettre de souffler. Nous sommes passés, et c’est encore le cas, de quatre salariés permanents à neuf ou dix, qui travaillent avec une vingtaine de relais communautaires. En termes d’activités, le cyclone avait impacté nos moyens d’approvisionnement, car les entrepôts des fournisseurs ont été endommagés et l’acheminement des marchandises retardé. Certains éléments distribués dans nos kits d’urgence étaient en rupture de stock, mais heureusement la situation est en train de revenir à la normale et nos activités ne se sont jamais arrêtées.  

Photo : © David Lemor / SOLIDARITÉS INTERNATIONAL

Que se passe-t-il après l’urgence ?  

Nous avons débuté, depuis un à deux mois, une phase de retour à la normale. La plupart des acteurs de l’urgence, qui étaient intervenus sur l’île en soutien après la crise, sont repartis. Mais les besoins sont toujours là. Dans notre domaine, les difficultés d’accès à l’eau ne sont pas arrivées avec Chido. Le problème est structurel à Mayotte : il n’y a pas assez d’eau potable sur l’île pour desservir toutes les personnes raccordées, donc il y a des rationnements. Mais il ne faut pas oublier que 30% de la population ne dispose pas d’accès sécurisé à l’eau à domicile. On s’est donc concentrés après Chido sur la réparation et l’installation de points d’eau dans les zones les plus vulnérables, où les personnes sont souvent contraintes de se ravitailler dans les rivières, et donc sont exposées aux maladies hydriques. Nous avons aussi distribué des kits d’urgence – composés de pastilles de chloration, savon, dentifrice, lessive, etc. – et formé les communautés aux bonnes pratiques d’hygiène et à l’entretien des cuves et des jerricanes, pour réduire les risques d’épidémies. C’étaient déjà nos domaines d’intervention avant la crise et ce sont toujours des problématiques sur lesquelles nous agissons aujourd’hui. 

Le cyclone a-t-il fait bouger les lignes en termes d’accès à l’eau ? 

À Mayotte, ce sont les crises qui font avancer les choses. Prenons par exemple le programme de bornes fontaines monétiques : il est né en 2001, à la suite de deux épidémies de choléra. Les rampes à eau ? Elles ont été installées et renforcées après les crises de l’eau et en réponse au besoin pendant la pandémie de Covid-19. Dernièrement, après Chido et de longues négociations, nous avons obtenu que l’un des quartiers précaires de la commune de Koungou, au nord de l’île, soit directement relié au réseau de distribution d’eau via des dessertes que nous gérerons ensuite. C’est une vraie victoire d’un point de vue de l’accès à l’eau et à l’assainissement et cela devrait permettre de lutter plus efficacement contre les maladies hydriques qui touchent chaque année les habitants.  

Photo : © David Lemor / SOLIDARITÉS INTERNATIONAL

Les projets de loi discutés au Parlement peuvent-ils améliorer la situation de l’accès à l’eau à Mayotte ? 

À ce jour, on constate que les textes récents, en discussion en mai et juin 2025, sont focalisés sur la lutte contre l’immigration et ne comportent que peu, voire pas, de nouvelles dispositions concernant l’accès à l’eau. Il existe en revanche de grands plans d’investissement, comme le Plan Eau Dom, qui doivent permettre de renforcer la production d’eau sur l’île, notamment en créant une troisième retenue collinaire et une deuxième usine de dessalement. C’est nécessaire et cela devrait permettre de réduire les rationnements, mais cela ne règle pas la situation des personnes qui ne sont pas raccordées. En attendant des équipements structurants, nous continuerons d’intervenir auprès des populations les plus précaires. 

Comment envisages-tu la poursuite des activités de SOLIDARITÉS INTERNATIONAL à Mayotte ?  

Nous aurons bientôt notre propre unité de traitement de l’eau, qui nous permettra de rendre potable l’eau puisée dans la rivière et ainsi desservir davantage de ménages éloignés du réseau de distribution. Ce sera le prolongement d’une activité que l’on menait avec la sécurité civile dans les mois qui ont suivi Chido. En parallèle, nous évaluons les besoins, l’impact de nos actions et l’évolution des pratiques depuis le passage du cyclone. Enfin, nous avons débuté au mois de juin un projet pilote visant à accompagner la reconstruction d’un quartier habité par 14 familles, en utilisant des matériaux qu’ils connaissent et ont à disposition. C’est un projet que nous espérons pouvoir étendre à d’autres quartiers.  

Photo d’en-tête : © MICHAEL BUNEL / SOLIDARITÉS INTERNATIONAL

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