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Le Sahel au coeur des enjeux du changement climatique

Publié le vendredi 13 mars 2020

Déficit de pluviométrie et épisodes de grande sécheresse mais aussi pluies diluviennes et inondations dévastatrices : la région sahélienne subit de plein fouet les effets du changement climatique, avec des conséquences dramatiques sur les moyens de subsistance des populations. La raréfaction des ressources naturelles engendre conflits et migrations.

 

LE SAHEL, TIRAILLÉ ENTRE SÉCHERESSES ET INONDATIONS

Par Julie Mayans, référente Sécurité Alimentaire et Moyens d’Existence chez SOLIDARITÉS INTERNATIONAL

De la Mauritanie jusqu’au Tchad, le cercle vicieux sécheresses-inondations a de lourdes conséquences sur les populations qui vivent majoritairement de l’agriculture et de l’élevage. La raréfaction des ressources en eau menace les moyens d’existence.

Au Sahel, les sécheresses sont de plus en plus intenses. Les températures augmentent 1,5 fois plus vite que dans le reste du monde. Mais le changement climatique provoque également des pluies diluviennes (orages violents, précipitations au-dessus de la normale). Or les terres sont trop sèches pour absorber la montée des eaux. Des crues destructrices et de nombreuses inondations ont ainsi été observées au Mali et au Niger en 2019.

Au Sahel plus qu’ailleurs, ces catastrophes naturelles dégradent les ressources naturelles, indispensables aux moyens d’existence agropastoraux qui sont à la base de l’économie dans la majeure partie de la zone. Dans les pays du Sahel, deux habitants sur trois vivent de l’agriculture et de l’élevage. Sous l’effet combiné des sécheresses et des inondations, les terres se détériorent et perdent de leur fertilité. L’irrigation pluviale étant insuffisante, les récoltes s’amoindrissent ou sont détruites. Le bétail, quant à lui, peine à trouver de l’eau pour s’abreuver et des pâturages pour se nourrir. Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) prévoit que les rendements agricoles diminuent de 20 % sur chaque décennie d’ici la fin du 21e siècle dans certaines zones du Sahel.

La raréfaction des ressources naturelles dans la région est devenue une source de conflits entre agriculteurs et éleveurs. D’autant que le changement climatique a modifié les routes et les périodes de transhumance du bétail, qui coïncident désormais souvent avec celles des terres en cours de culture. L’impact économique est évident pour les populations agropastorales dont les récoltes ou le bétail sont affectés. Mais le reste de la population, qui s’alimente à base de produits locaux, est également touchée, en raison de l’inflation des prix et de la raréfaction de ces produits sur les marchés.

Les populations sahéliennes sont prises au piège d’un cercle vicieux : cet impact économique négatif est renforcé encore sous l’effet des catastrophes naturelles de type inondation, qui endommagent les infrastructures productives, ainsi que celles permettant des échanges économiques : routes, ponts, barrages, bâtiments, réseaux d’irrigation, etc.

Le contexte actuel, ainsi que le climat d’incertitude qui règne dans les zones rurales lentement dégradées par le changement climatique, poussent de nombreuses personnes à migrer vers les centres urbains, considérés comme sûrs, moins dépendants d’activités économiques basées sur les ressources naturelles et donc moins impactés par les phénomènes naturels. Une concentration démographique en zone urbaine qui peut entraîner la surexploitation des ressources naturelles et des réseaux d’adduction d’eau. La population des six pays francophones du Sahel sera multipliée par six, pour atteindre 540 millions d’ici à 2100, selon les projections de l’ONU.

Par ailleurs, en raison de l’assèchement des nappes superficielles, les systèmes d’adduction d’eau traditionnels de type puit à ciel ouvert ne sont plus viables dans la région. Or, les capacités techniques et les moyens financiers des pays sahéliens pour réaliser des forages à forte profondeur sont considérablement limités. En conséquence, les ONG comme SOLIDARITÉS INTERNATIONAL doivent aller chercher la ressource de plus en plus en profondeur. Par exemple, une étude hydrogéologique menée en 2017 sur la commune de Ouahigouya au Burkina Faso par la coopération Chambéry Ouahigouya et l’Université de Ouagadougou, a démontré que la surexploitation de la nappe profonde dans cette zone par plus de 200 forages avait conduit en moins de 20 ans à un effondrement sévère de la nappe phréatique, pouvant aller jusqu’à 22 mètres de baisse de son niveau.

Selon le Comité inter-États de lutte contre la sécheresse au Sahel (CILSS), les changements climatiques qui menacent l’intégrité des écosystèmes déjà fragilisés par une population en forte croissance, vont exacerber davantage la compétition autour des ressources naturelles et engendrer des mouvements de populations et des conflits dans la région. Aujourd’hui au Sahel, les défis pour les programmes d’accès à l’eau de SOLIDARITÉS INTERNATIONAL sont de :

  • répondre au besoin urgent d’accès à l’eau potable du plus grand nombre de populations démunies face à la rareté des ressources;
  • favoriser une réponse multi-usage de l’eau (l’eau pour la population, l’eau pour l’agriculture et l’eau pour le bétail) ;
  • accompagner les autorités locales et la communauté pour une meilleure gestion et gouvernance de l’eau dans le Sahel.

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