Le 24 février 2022, la Russie lance ses troupes sur l’Ukraine. Trois semaines plus tard, le bilan de l’offensive est déjà très lourd : plusieurs centaines de morts et blessés sont à déplorer et des millions d’autres ont dû fuir leurs villes et villages pour se mettre à l’abri des combats. De nombreuses infrastructures et bâtiments ont été détruits, les services publics de base sont très gravement perturbés et les chaînes d’approvisionnement rompues.
Evaluation des besoins humanitaires
Forte de son expérience dans les zones de conflit, SOLIDARITÉS INTERNATIONAL décide d’envoyer très rapidement deux missions d’évaluation des besoins humanitaires des populations affectées : la première en Ukraine et la seconde en Moldavie.
Le constat est alarmant. « Des centaines de milliers de personnes ont tout laissé derrière eux du jour au lendemain. Elles se retrouvent dans un dénuement absolu et sont confrontées à des conditions de vie très difficiles, sans accès à l’eau et au chauffage. Personne n’est épargné. On rencontre de nombreuses personnes âgées qui doivent faire face au froid, à la faim, à la soif et au manque d’hygiène », témoigne Philippe Bonnet, chef de mission Urgence pour SOLIDARITÉS INTERNATIONAL.
La situation est particulièrement critique aux frontières. « La route qui part de Lviv et qui rejoint la frontière polonaise est très embouteillée. Quand notre équipe est arrivée, il y avait entre 25 et 30 km de bouchons. Les gens arrivent en famille mais les hommes doivent faire demi-tour parce qu’ils n’ont pas le droit de sortir du territoire [N.D.L.R. depuis la mobilisation générale décrétée le 24 février dernier, les Ukrainiens âgés de 18 à 60 ans ont l’interdiction de quitter leur pays]. C’est un vrai déchirement pour ces familles qui savent que les hommes vont probablement être appelés à se battre. Femmes, enfants et personnes âgées descendent donc des voitures et passent la frontière à pied tandis que les hommes repartent dans l’autre sens. Le passage de la frontière est particulièrement rude : les gens doivent attendre des heures dans le froid et ils manquent d’eau et de nourriture » continue le chef de mission.
Nos équipes se sont également rendues dans les villes de Lviv et Ouman, devenues des « hauts lieux » de transit des populations déplacées depuis le début de la guerre. « Beaucoup de monde quitte la partie est de l’Ukraine et Kiev pour rejoindre l’Ouest et la Pologne notamment » explique le chef de mission.
La ville de Lviv, située à 70 km de la frontière polonaise, est remplie de personnes déplacées qui déambulent d’un lieu à un autre à la recherche d’un logement pour la nuit ou d’un moyen de locomotion pour rejoindre un pays frontalier. Ces recherches sont particulièrement compliquées : il n’y a plus de logement disponible à Lviv et les loueurs de voiture refusent de louer leurs véhicules de peur qu’ils ne partent à l’étranger ou qu’ils se retrouvent dans une zone de combat. Beaucoup n’ont d’autre choix que de se réfugier dans des abris de fortune, comme le stade Arena qui accueille chaque semaine près de 6 000 personnes. « Les centres d’accueil improvisés font face à des besoins énormes qui ne cessent de s’accroître au fur et à mesure que le conflit se prolonge. La ville est saturée et les autorités locales demandent de l’aide », observe Philippe Bonnet.
La ville d’Ouman est, elle aussi, un carrefour important : chaque jour, des milliers de personnes déplacées y arrivent en provenance de Kiev, Kharkiv, Marioupol ou Dnipro. Ils logent pour la nuit dans des lieux abandonnés avant de « reprendre la route ». « Nous y avons rencontré Lila, tout juste arrivée de Soumy après plusieurs jours de voyage. Elle avait au départ fait le choix de rester dans sa ville où les combats faisaient rage. Mais après 3 jours de vie cachée dans sa cave avec ses enfants, sans eau, sans électricité, sans chauffage, elle s’est résolue à partir » rapporte Philippe Bonnet.
Nos équipes ont enfin estimé les besoins en Moldavie, qui est le deuxième pays à avoir accueilli le plus de personnes en provenance d’Ukraine depuis le début du conflit. « Les personnes qui passent par la Moldavie ont besoin d’être accompagnées pendant leur transit. Une réponse est en place par le gouvernement et la société civile qui s’est complètement dédiée à la réponse en urgence et est épuisée. La majorité de l’aide est faite à travers du bénévolat par des Moldaves qui ont mis à disposition tout leur temps libre pour pouvoir répondre à l’urgence. Cependant, la société moldave doit reprendre son fonctionnement habituel et se désengage rapidement de la réponse.
Ainsi, les ONG telles que SOLIDARITÉS INTERNATIONAL doivent reprendre l’accompagnement des personnes en attente de transports ou lorsqu’elles arrivent trop épuisées pour continuer leur trajet directement – la Moldavie n’étant pas un pays de destination majeur pour les Ukrainiens – en assurant un accès à un refuge, de l’eau, des toilettes, des plats chauds, etc. De plus en plus de femmes et d’enfants arrivent à pied, sans moyen de transport et parfois sans destination précise. Dans un état de choc à cause de la guerre, l’abandon de leur quotidien du jour au lendemain, le manque de nouvelles des proches qui ne sont parfois pas joignables et les hommes restés en Ukraine, ces personnes ont souvent besoin de repos dans des espaces dignes et protégés pour leur permettre de se remettre physiquement et émotionnellement. SOLIDARITÉS INTERNATIONAL distribue des plats chauds dès le 17 mars 2022 et se positionne pour reprendre la gestion des centres de transit au global.
Les populations hôtes de la Moldavie, pays le plus pauvre d’Europe, sont extrêmement affectées du fait de leur engagement mais aussi de l’accueil des personnes réfugiées chez eux. Ainsi, il est essentiel de renforcer et supporter cette solidarité, c’est pourquoi nos équipes apportent un soutien financier aux familles les plus vulnérables qui ont ouvert leur porte afin de leur permettre de subvenir aux besoins des populations qu’ils accueillent.
Des biens de première nécessité
Pour répondre aux besoins urgents identifiés, SOLIDARITÉS INTERNATIONAL a rapidement participé à la distribution d’eau potable et de milliers de repas chauds dans les villes de Lviv et Ouman.
Notre ONG organise parallèlement le départ d’un convoi exceptionnel de camions de 38 tonnes visant à fournir des articles essentiels aux populations déplacées en transit en Ukraine et à la frontière moldave : nourriture non périssable, lait maternisé, biberons, eau en bouteille, couches, produits sanitaires, articles de premier secours, lits de camp, matelas…
Ces articles seront mis à disposition des centres d’accueil locaux. « Nous souhaitons apporter notre soutien aux actions de secours qui se sont mises en place de toute urgence et qui peinent à faire face à cette demande exponentielle. Nous agissons en coordination avec les associations locales et les autorités » précise Philippe Bonnet.
Enfin, la mission « Urgence » envisage de fournir, très prochainement, des latrines et des douches pour permettre aux populations déplacées de maintenir un niveau d’hygiène décent et de se soulager de manière sécurisée et digne.
Afin de mener à bien ses opérations, SOLIDARITÉS INTERNATIONAL sollicite le soutien financier du plus grand nombre.
« Le défi qui se présente à nous est immense et risque de s’aggraver dramatiquement ; il est indispensable de mettre immédiatement en sécurité les personnes plus fragiles et de se préparer à en accompagner bien d’autres à l’avenir. Des diagnostics sont en cours dans d’autres zones, plus proches des combats. Les besoins y sont très certainement considérables », conclut le chef de mission.
© Michael Bunel