15 avril 2023, la guerre reprend au Soudan. Elle pousse sur les routes plus de 10 millions de personnes. Parmi elles, près de 752 000 personnes prennent la route en direction du Soudan du Sud¹, indépendant de son voisin du nord depuis 2011. Loin d’être un havre de paix, le Soudan du Sud est lui aussi en proie à des conflits et sévèrement affecté par le changement climatique. En 2023, il se trouvait au dernier rang du classement de l’indice de développement humain des Nations Unies, traduisant les difficultés des Sud-Soudanais à accéder à de la nourriture, de l’eau, un toit, mais aussi à des infrastructures essentielles².
Parmi celles et ceux qui traversent la frontière, une grande partie, plus de 585 000, sont des Sud-Soudanais. Ils retournent donc vers ce pays qu’ils ont quitté quelques années auparavant à cause de la guerre. Cette fois-ci, la guerre a changé de côté, et donc eux aussi.
Pour comprendre à quoi peut ressembler le parcours d’une personne qui fuit le Soudan vers le Soudan du Sud, découvrez les contours de ce déplacement éprouvant.
Soudan du Sud
Contexte et action- 11,1 millions d'habitants
- 191ème sur 191 pays pour l'Indice de Développement Humain
- 165 222 personnes bénéficiaires
Km 460 : Renk, l’arrivée au Soudan du Sud
Photo : © SOLIDARITÉS INTERNATIONAL
Depuis Khartoum, celles et ceux qui fuient descendent parfois en longeant le Nil. Pour 83%³ d’entre eux, direction Joda, le poste frontière marquant le passage au Soudan du Sud.
Passé Joda, c’est à Renk que s’installe provisoirement une partie des personnes déplacées. L’un de ces centres de transit, établi dans les anciens locaux de l’université, accueille environ 7 000 personnes. Ici, les conditions d’abri sont précaires : les plus chanceux occupent les tentes fatiguées mises en place au début de la crise, les autres doivent se constituer un abri en récupérant des matériaux çà et là. À l’intérieur, la lumière est rare, la ventilation inadaptée aux températures et la promiscuité inéluctable.
Entretenir les sites pour réduire l’impact des épidémies
Photo : © SOLIDARITÉS INTERNATIONAL
Dans le centre de transit, SOLIDARITÉS INTERNATIONAL a construit des latrines et assure l’entretien en collectant les déchets et en nettoyant les installations sanitaires, en recrutant des membres de la communauté.
C’est essentiel pour réduire la transmission de maladies hydriques. En effet, la saison des pluies qui rend les sols impraticables – la boue est partout – et l’évacuation des eaux difficile augmentent considérablement le risque d’épidémie, notamment de choléra.
Des nouveaux espaces, mais encore trop peu de place
Photo : © SOLIDARITÉS INTERNATIONAL
À Renk, il y a bien ce nouveau site de transit, qui accueille près de 9 000 personnes. Les abris y sont plus spacieux et aérés, ils permettent d’héberger six à huit familles.
Pendant la journée, comme ici, les personnes déplacées partent en quête de moyens de subsistance et le site se vide. Mais, à la tombée de la nuit, l’espace est saturé.
Dans ce centre de transit vivent notamment Alban*, sa femme et ses enfants. Ils sont réfugiés centrafricains et vivaient au Soudan depuis dix ans, avant de fuir la guerre une deuxième fois. Leur périple est sans fin. De Khartoum, ils ont d’abord cherché refuge à Port Soudan. Sans succès, ils ont finalement pris un bus près de la frontière sud-soudanaise, à Kosti, pour une trentaine d’euros. Désormais à Renk, la famille espère rejoindre Juba, la capitale du Soudan du Sud.
Accéder à l’eau
Photo : © SOLIDARITÉS INTERNATIONAL
La station de traitement installée par SOLIDARITÉS INTERNATIONAL fournit 270 m3 cube d’eau potable chaque jour, une quantité suffisante pour subvenir aux besoins vitaux de 18 000 personnes, selon les standards humanitaires, fixés à 15 litres par jour et par personne. C’est 10 fois moins que la consommation moyenne d’un individu en France.
Ces standards, même minimaux, restent difficile à atteindre en période de crise.
Une pause de courte durée
Photo : © SOLIDARITÉS INTERNATIONAL
Pour beaucoup, Renk n’est qu’une étape. L’État sud-soudanais, qui veut éviter la formation de camps à sa frontière, facilite des transports par avion ou par barge vers des destinations finales plus éloignées.
Nombreux sont celles et ceux qui font la queue pour s’enregistrer et embarquer sur des barges. Mais sous un soleil de plomb, avec des températures qui peuvent atteindre les 45°C, l’attente semble vite interminable. Alors ils signalent leur place dans la file en posant des pierres emballées dans des sacs distinctifs.
Parmi eux, un couple qui, il y a sept ans, avait quitté le Soudan du Sud. Il y a trois mois, ils ont été contraints de faire le chemin inverse, rattrapés par la guerre. Ils ont alors marché jusqu’à la frontière du Soudan du Sud, où une voiture les a ensuite conduits à Renk. Le voyage aura duré deux semaines. Mais faute d’endroit où loger à Renk, ils envisagent désormais de partir pour Aweil, à l’ouest du pays, sans savoir ce qu’ils y trouveront.
En quête de mieux, embarquer sur le Nil
Photo : © SOLIDARITÉS INTERNATIONAL
Dans les barges bondées, où ils sont des centaines à embarquer, il n’y a pas de sanitaires. Pendant les deux jours que dure le voyage, il faudra se contenter de deux arrêts. D’abord à Melut, puis à Kodok, une heure et demie pour assurer les ravitaillements minimaux puisque seuls des biscuits leur ont été fournis au départ.
Ainsi au départ à Renk, mais aussi à Kodok, SOLIDARITÉS INTERNATIONAL a construit des latrines pour fournir des conditions minima de dignité aux personnes déplacées et éviter des tensions avec les communautés hôtes.
Km 730 : Kodok, pêcher et planter pour subsister
Photo : © SOLIDARITÉS INTERNATIONAL
Dans cette ville de l’État du Haut-Nil, un camp abrite déjà près de 10 000 personnes. La majorité est arrivée il y a plus d’un an suite à des attaques sur le village d’Aburoc.
En plus de ses activités liées à l’eau et à l’hygiène, SOLIDARITÉS INTERNATIONAL a distribué des kits de pêche et des canoës. Certains pêcheurs avaient dû abandonner les leurs en fuyant. Quand la pêche est bonne, cela leur permet de couvrir les dépenses quotidiennes, mais pas plus.
Pour permettre aux personnes déplacées de subsister, des kits potagers ont aussi été distribués. Ils incluent des semences et des outils de bases pour la culture d’un potager. Dans les parcelles situées aux abords du camp poussent donc des oignons, des tomates, des concombres, des carottes, des aubergines et d’autres légumes locaux, de quoi assurer une diversité nutritive minimale.
Km 800 : Malakal, un hub de transit
Photo : © SOLIDARITÉS INTERNATIONAL
Si les personnes déplacées poursuivent leur chemin, elles s’arrêtent ensuite à Malakal. Environ 4 000 d’entre elles sont hébergées dans le centre de transit de Bulukat. Ici encore, pas de ventilation, pas de lumière et la séparation entre les familles est difficile.
Pour assurer un environnement propre, SOLIDARITÉS INTERNATIONAL finance le travail de 76 membres de la communauté au quotidien qui nettoient les latrines, collectent les déchets et promeuvent les bonnes pratiques d’hygiène.
Laisser sa vie derrière soi
Photo : © SOLIDARITÉS INTERNATIONAL
À Malakal, les personnes déplacées peuvent continuer en barge ou monter dans un avion pour des destinations plus lointaines. À bord, seuls 20 kg de bagages sont autorisés. C’est bien peu quand il s’agit d’emballer sa vie entière. Alors, ce qui ne rentre pas dans les valises est laissé derrière.
La résilience des communautés hôtes
Photo : © SOLIDARITÉS INTERNATIONAL
Au sud de Malakal, dans les communautés hôtes, SOLIDARITÉS INTERNATIONAL et des partenaires travaillent à renforcer la résilience des populations au changement climatique et au conflit. C’est fondamental pour que tous et toutes, hôtes et personnes déplacées, soient assurés de perspectives d’avenir désirables.
Ainsi, les agriculteurs locaux participent à des formations pour adapter leurs pratiques au changement climatique.
Unity, un État sous l’eau
Photo : © Bebe Joel Hillary / SOLIDARITÉS INTERNATIONAL
L’État de Unity est une des destinations qu’il est possible de rejoindre depuis Malakal ou directement depuis un autre point de passage à la frontière. Cet État est inondé depuis deux ans à cause des crues du Nil. Là-bas, le fleuve n’a jamais retrouvé son niveau normal.
De part et d’autre de la route qui mène à Rotriak il y a de l’eau à perte de vue. Par saison sèche, ce chemin est praticable, mais dès qu’arrive la saison des pluies, il faut des heures pour le parcourir.
Alors pour accéder aux fruits de la pêche, des moyens sommaires sont utilisés : des jeunes garçons ont rempli des sacs de bouteilles plastiques vides pour s’en servir de rafiot.
Km 1010 : Rotriak, s’installer là où d’autres sont déjà
Photo : © SOLIDARITÉS INTERNATIONAL
Le camp de Rotriak accueille plus de 60 000 personnes, la plupart déplacées par la guerre au Soudan ou par les inondations. Ici SOLIDARITÉS INTERNATIONAL a installé deux points d’eau et des sanitaires d’urgence. Au point d’eau, on rencontre des femmes.
C’est le cas de Marry*, une Sud-Soudanaise qui habitait Khartoum et a dû fuir dans l’urgence avec huit membres de sa famille. Un interminable voyage en camion de 17 jours. Dans ces conditions, impossible d’emmener sa mère avec elle. Cette dernière est décédée depuis. Malheureusement, aussi longtemps que la crise durera, Marry devra rester là.