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De l’eau pour les populations les plus précaires : une problématique française

Publié le lundi 7 mars 2022

Par Xavier Lauth, responsable du Desk Urgences de SOLIDARITÉS INTERNATIONAL et Manon Gallego, coordinatrice des opérations en France de SOLIDARITÉS INTERNATIONAL.

L’épidémie de COVID-19 a amené SOLIDARITÉS INTERNATIONAL à s’attaquer au problème de l’accès à l’eau, à l’assainissement et à l’hygiène en France. Après plusieurs mois d’observation et d’actions de terrain, l’ONG présente son analyse de la problématique et plusieurs leviers d’amélioration d’une situation jugée très critique.

En mars 2020, alors que l’épidémie de COVID-19 progressait très rapidement en Île-de-France, SOLIDARITÉS INTERNATIONAL est intervenue, en coopération avec Médecins du Monde et la Fondation Veolia, dans plusieurs bidonvilles de la région, où l’accès à l’eau et à l’assainissement était alors quasiment inexistant et où les conditions de promiscuité faisaient craindre une propagation rapide du virus. Nos équipes ont procédé à des installations de points d’eau provisoires et à des distributions de kits d’hygiène. L’organisation a, par la suite, étendu son action à d’autres sites d’habitats précaires du territoire français. Forte de ces deux années d’action de terrain et de collaboration avec de nombreux partenaires étatiques et locaux, SOLIDARITÉS INTERNATIONAL est désormais en mesure de livrer ses premières observations et de présenter plusieurs leviers d’amélioration fondamentaux.

Le premier constat concerne la gravité de la situation. De nombreuses personnes en France sont confrontées à un niveau d’accès aux services de base en dessous des standards humanitaires et même similaire à celui de certains terrains de crises humanitaires. Les habitants des bidonvilles, des squats et des campements, recourent majoritairement à des « systèmes D » pour s’approvisionner en eau et n’ont d’autre choix que de faire leurs besoins en plein air. Au manque d’accès à l’eau et à des systèmes d’assainissement adéquats s’ajoute aussi le manque de douches et de moyens permettant de se procurer des produits d’hygiène.

Le second constat porte sur l’absence de chiffres consolidés décrivant le niveau d’accès réel à l’eau potable des personnes les plus vulnérables en France, tant au niveau local que national, ainsi que sur l’« oubli » des départements et territoires d’outre-mer dans les rares rapports produits. Cette absence nuit aux efforts de plaidoyer et met en exergue le fait que l’eau n’apparaît pas jusqu’à présent comme un enjeu social de premier plan.

  • 68 millions d'habitants
  • 28ème sur 191 pays pour l'Indice de Développement Humain
  • 5 035 personnes bénéficiaires

Le troisième constat, tout aussi choquant que les deux premiers, a trait au vide juridique relatif à cette question. À l’heure actuelle, la législation française ne dispose d’aucune définition normative de l’accès à l’eau sécurisé et à un assainissement digne. Quelle est la quantité minimum d’eau à laquelle chaque personne vivant sur le sol français doit pouvoir avoir droit ? Quelle est la distance maximum « acceptable » jusqu’au premier point d’eau ? Combien de personnes peut « accueillir » un seul et même point d’eau ? Les mêmes questions se posent pour l’assainissement et aucune norme n’a encore été posée.

Il subsiste, par ailleurs, un flou juridique autour des rôles et responsabilités des différents acteurs publics en matière d’accès à l’eau des personnes dites « non raccordées ». L’accès à l’eau des habitants des bidonvilles est alors laissé au bon vouloir des collectivités publiques et des associations locales, qui manquent d’informations claires sur les solutions existantes pour leur garantir ce droit fondamental. Pour mieux les accompagner à mettre en œuvre les mesures adaptées, SOLIDARITÉS INTERNATIONAL a mis à profit son expertise et a fourni un appui technique au gouvernement français dans le cadre de l’élaboration de plusieurs outils pratiques – foire aux questions, boîte à outils et fiche technique. Ces actions vont dans le sens d’un renforcement de l’accès de tous et toutes à ces services de base mais ne devraient pas avoir pour conséquence de repousser la mise en place urgente d’un modèle de gouvernance clair et la définition, au sein d’un document ayant force de loi, des responsabilités de chaque acteur en matière d’eau potable pour les personnes « non raccordées ».

Ces leviers d’action représentent un enjeu de santé publique évident. Mais l’impact social est, lui aussi, majeur. La garantie de l’accès à l’eau potable pour tous et toutes aiderait les personnes « non raccordées » à s’intéresser à d’autres considérations que l’immédiateté de leurs besoins vitaux, faciliterait les trajectoires d’insertion et participerait à la résorption des sites d’habitats précaires dans lesquels ils vivent.

©Audray Saulem

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