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Crises alimentaires, comment agir ?

Publié le mardi 15 octobre 2024

1 personne sur 11 dans le monde a souffert de la faim en 2023, dont 282 millions de personnes qui ont eu besoin d’une assistance urgente en matière de nourriture. À six ans de l’échéance “Faim Zéro” des Objectifs de développement durable de l’ONU visant à créer un monde à l’abri de la faim à l’horizon 2030, l’insécurité alimentaire reste encore très élevée dans le monde malgré une légère amélioration de la situation en Amérique latine¹. La distribution de nourriture est l’action d’urgence la plus médiatisée, mais elle ne représente que la partie la plus visible des réponses aux crises alimentaires. 

Les chocs économiques et le changement climatique ne cessent d’aggraver la situation, mais ce sont les conflits armés qui demeurent, encore en 2024, les causes principales des crises alimentaires. En effet, ils empêchent l’accès à la nourriture, détruisent les terres et infrastructures agricoles et affectent les chaînes d’approvisionnement. Le droit international humanitaire énonce qu’il incombe aux parties belligérantes de protéger les objets indispensables à la survie de la population civile notamment les produits alimentaires, l’eau potable et les infrastructures agricoles. Malheureusement, ces droits sont encore trop souvent bafoués. 

Au Soudan par exemple, les affrontements continus ont forcé des millions de personnes à se déplacer, menant à une insécurité alimentaire grave pour plus d’1/3 de la population. Selon le Comité d’examen de la famine (CEF), 10% de la population du camp de déplacés internes de Zamzam, dans l’État du Nord Darfour, devrait encore se trouver dans une situation de famine (IPC Phase 5)² selon la projection pour les mois à venir (voir la carte ci-après).  Cela signifie qu’au moins un ménage sur cinq manque cruellement de nourriture et est confronté à la faim et au dénuement, ce qui entraîne des niveaux extrêmement critiques de malnutrition aiguë et de décès.

Le Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire (IPC) fournit une échelle
pour classer la gravité et l’ampleur de l’insécurité alimentaire.
Projection IPC au Soudan d’octobre 2024 à février 2025.

Du côté de la bande de Gaza, les restrictions d’accès humanitaire, obstruant l’acheminement de l’aide alimentaire, exacerbent les niveaux catastrophiques d’insécurité alimentaire. 22% de la population se trouve en IPC Phase 5, confrontée ainsi à un risque de famine imminent³.

 

Comment fonctionne l’assistance alimentaire ?

La modalité d’assistance alimentaire en nature est utilisée dans les contextes où les marchés alimentaires ne fonctionnent pas, ou ne sont pas accessibles à la population pour des raisons d’insécurité par exemple. Les ONG assurent alors l’achat et le transport des aliments vers les personnes qui en ont besoin. Mais dans le cas du Soudan, qui comprend des zones où les marchés alimentaires sont accessibles et fournis, mais la pauvreté et l’inflation empêchent les familles de s’acheter de quoi subsister, une assistance alimentaire via des transferts monétaires est possible.

Activité de transfert monétaire au Soudan – © SOLIDARITÉS INTERNATIONAL

Aujourd’hui, nombreuses sont les ONG comme SOLIDARITÉS INTERNATIONAL qui utilisent cette modalité d’assistance. De l’argent ou des coupons sont distribués aux personnes qui peuvent alors acheter les aliments dont ils ont besoin, selon leurs préférences personnelles et auprès de leurs commerçants habituels. Cette modalité respecte mieux l’autonomie, la dignité et le libre choix des personnes. Elle diffère beaucoup de l’aide alimentaire en nature, qui consiste en général en la distribution d’un kit alimentaire. Pour percevoir ces colis à composition unique, les ménages bénéficiaires doivent attendre leur tour, souvent pendant plusieurs heures, sur les sites de distribution. Dans le cas de l’assistance monétaire, l’argent de l’aide humanitaire est également réinvesti dans les marchés locaux, qui, eux aussi impactés par les chocs (conflits, inflation, etc.), ont besoin de leurs clientèle habituelle pour continuer à fonctionner.

 

Soutenir les marchés est aussi urgent que l’assistance alimentaire

Soutenir les marchés alimentaires ne sauve pas immédiatement des vies, contrairement à l’assistance alimentaire. Cependant, l’existence de marchés alimentaires fonctionnels peut permettre de réduire le risque d’intensification de la crise alimentaire sur le court à moyen terme, voire de contribuer de manière durable à la sécurité alimentaire de la population. En plus d’assurer la disponibilité des aliments, ces marchés font vivre toute une économie locale et fournissent des emplois, tout au long de la chaîne alimentaire : de la production agricole, au transport, à la transformation et à la vente des produits alimentaires. Les acteurs humanitaires ont donc un rôle à jouer dans l’appui aux acteurs de ces marchés locaux.

Ainsi, au Soudan, SOLIDARITÉS INTERNATIONAL démarre un projet visant à soutenir les commerçants locaux via la fourniture de matériel ou de liquidités pour relancer leurs activités commerciales, l’aide au transport des marchandises ou encore la réhabilitation d’espaces de stockages sur les marchés. L’objectif de l’ONG est de pouvoir augmenter la disponibilité et la diversité des denrées alimentaires sur les marchés locaux et diminuer les risques d’inflation des prix. 

Au Nord-Est de la Syrie, SOLIDARITÉS INTERNATIONAL a apporté un soutien économique dans la ville de Tabqa. Deux marchés essentiels ont été réhabilités (mise en place d’une toiture durable, d’un système d’assainissement et d’éclairage, etc.) et des commerçants ont reçu un appui matériel et des formations à la gestion d’un commerce. Finalement, la population a pu bénéficier de la fourniture plus stable de produits à des prix raisonnables, notamment des légumes, des fruits et des produits laitiers.

 

Dans le contexte actuel de réduction des fonds humanitaires, la tendance de nombreux bailleurs est de se concentrer sur le financement de l’assistance « life saving » (destinée à sauver des vies). C’est le cas de l’assistance alimentaire d’urgence qui est indispensable, mais coûteuse et de court terme.

Il est donc important que les bailleurs continuent de financer les actions de soutien des marchés alimentaires dès les réponses d’urgence face aux crises alimentaires, même lorsque les budgets sont restreints.

 

¹ FAO. (2024). The State of Food Security and Nutrition in the World 2024
² IPC_Famine_Review_Committee_Report_Sudan_July2024.pdf (ipcinfo.org)
³ IPC_Famine_Review_Committee_Report_Gaza_June2024.pdf (ipcinfo.org)

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