Crise de l’eau à Mayotte : un an après

Un an après ce qui a été nommé « la crise de l’eau », Mayotte subit toujours 24h de coupure d’eau tous les trois jours et la situation sanitaire dans les zones d’habitat précaire reste très préoccupante. En effet, cette crise, aggravée par les conséquences du changement climatique est aussi le résultat d’un problème structurel. 

Cela fait des années que Mayotte subit des coupures d’eau. En 2016, déjà, une sécheresse exceptionnelle couplée à l’arrivée tardive de la saison des pluies avait déclenché des coupures d’eau durant la saison des pluies, afin de permettre aux retenues collinaires, ces lacs artificiels qui stockent l’eau de pluie, de se remplir.  

Quelques années plus tard, la saison pluvieuse 2022/2023 a été particulièrement sèche, si bien qu’à 15 jours du début de la saison des pluies, les retenues étaient déjà presque vides.  Face à cette situation, la décision avait donc été prise d’augmenter le rythme des coupures jusqu’à atteindre 54h de coupure par tranche de 72 heures. Les habitants de l’île ont alors enduré des mois difficiles, pendant lesquels l’accès à l’eau est devenu un enjeu majeur rythmant les journées au détriment d’autres activités : trouver un point d’eau fonctionnel, faire la queue a la bornes fontaine, attendre la fin de la coupure trouver un moyen de stocker l’eau à rythmé la vie des habitants, perturbant la vie quotidienne. 

Consommer une eau non sûre  

Malheureusement, à chaque coupure, la qualité de l’eau s’est détériorée. Faute de pression dans les tuyaux le réseau a pu être contaminé, l’eau se charge de matière en suspension et peut être contaminée par des bactéries. Sans surprise, l’eau est devenue impropre à la consommation à plusieurs reprises à Mayotte. 

Ces coupures ont aussi forcé certains habitants de l’île à consommer l’eau provenant de rivières ou de puits. Même avec une filtration artisanale, ces eaux ne peuvent être considérées comme potable. Elles peuvent propager des maladies hydriques, comme la fièvre typhoïde, l’hépatite A, la gastro-entérite ou le choléra. Sans surprise, une épidémie de choléra s’est d’ailleurs propagée à partir de mars 2024, contaminant des centaines de personnes dont 5 n’ont pas survécus. Une réponse Sanitaire forte a permis de contenir l’épidémie mais en l’absence de solutions structurelles permettant une véritable amélioration de l’accès à l’eau potable, une réapparition du choléra reste tout à fait possible.  

Une situation toujours problématique 

Si d’importants travaux ont été lancés à Mayotte, les deux retenues collinaires restent à ce jour toujours la source principale – mais insuffisante – d’eau potable. La saison des pluies 2023/2024 ayant été particulièrement généreuse, les retenues collinaires ont pu se remplir. Cependant les infrastructures de l’île n’ont pas la capacité de traiter l’eau en quantité suffisante pour éviter de nouvelles coupures d’eau. C’est pourquoi les habitants de Mayotte subissent toujours des coupures récurrentes de 24h tous les 3 jours.  

Ne pas avoir l’eau courante  

Sur l’île, seuls 71% des habitants disposent de l’eau courante dans leur habitation. D’autres ont un robinet extérieur ou font appel à une tierce personne, voisin.e ou parent.e, pour s’approvisionner en eau. Mais 41 000 personnes, principalement logées dans des habitats précaires, n’ont pas accès à des services d’eau potable. Des bornes fontaines payantes ont bien été installées sur l’île mais elles sont loin d’être suffisantes, si bien que de longues queues se forment et que des tensions naissent parmi les usagers.  

Une assistance humanitaire toujours nécessaire 

Les personnes vivant dans les bidonvilles et les personnes en exil sont les premières victimes de cette crise de l’eau qui persiste. Chaque coupure augmente leur précarité et représente un risque pour leur santé. SOLIDARITÉS INTERNATIONAL poursuit son travail pour leur permettre d’avoir un accès digne à une eau potable. Pour cela, nos équipes distribuent des filtres, des produits d’hygiène et, le cas échéant, des pastilles de chlore permettant de traiter l’eau en petite quantité. Ces distributions s’accompagnent d’un travail de sensibilisation sur les risques liés à la consommation et l’usage des eaux de surface et d’un plaidoyer en faveur de l’accès à l’eau pour tous. Mais pour que le travail humanitaire puisse cesser dans ce département français, l’accès suffisant et sécurisé à l’eau doit être assuré pour tous sur l’île de Mayotte.  

Observatoire de l’accès à l’eau à Mayotte

Ce document a été rédigé postérieurement à la crise de l’eau qui a touché Mayotte en 2023. Il a pour objectif de capitaliser l’ensemble des données collectées au long de l’année 2023 et début 2024 sur le terrain par les équipes de SOLIDARITÉS INTERNATIONAL, ainsi qu’auprès des partenaires et via la communication des institutions diverses. Il s’agit d’établir un retour d’expérience de la gestion de la distribution d’eau potable en période de stress hydrique, en dressant un bilan des mesures prises par les autorités compétentes et les perspectives de sorties envisagées, afin d’établir des pistes d’amélioration ainsi que les leçons à tirer de cette crise.

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Photos : © SOLIDARITÉS INTERNATIONAL