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Conflit au Soudan : point sur la situation avec Justine Muzik Piquemal, responsable géographique

Publié le mardi 16 mai 2023

Le Soudan, l’un des pays les plus pauvres du monde, est plongé dans de violents affrontements depuis le 15 avril dernier. Deux factions militaires rivales s’opposent, dirigées par les deux hommes à l’origine du putsch d’octobre 2021. D’un côté, les Forces armées soudanaises (SAF) dirigées par le général Abdel Fattah al-Burhan, au pouvoir depuis le putsch, de l’autre les Forces de soutien rapide (RSF) du général Mohammed Hamdan Daglo. Justine Muzik Piquemal, responsable géographique pour SOLIDARITÉS INTERNATIONAL revient sur la situation dans le pays. 

Un mois après le début du conflit, quelle est la situation dans le pays ?  

Aujourd’hui, la situation au Soudan est très compliquée et volatile. Si une légère accalmie s’est faite ressentir entre le 7 et le 10 mai, les affrontements ont depuis, activement repris. Khartoum, la capitale, est toujours en proie aux conflits. Même constat à l’ouest dans le Darfour où les combats ont redémarré. Ce conflit est très important car il impacte directement les pays limitrophes qui voient arriver des vagues massives de personnes réfugiées. La situation semble être plus calme dans les villes situées dans l’Est du Soudan comme Gedaref, Madani, Kassala ou encore Port Soudan, qui est devenu ces derniers jours la nouvelle capitale du pays. Mais nous restons prudents et le contexte actuel est très préoccupant.

Les populations civiles sont les premières victimes de ce conflit. Quelle est la situation humanitaire dans le pays aujourd’hui ?   

Sur les zones de conflit actif, c’est-à-dire les Darfours et Khartoum, les besoins sont considérables. Les populations n’ont plus accès aux services de santé alors que c’est une priorité en temps de guerre. A Khartoum, par exemple, la majeure partie des hôpitaux sont fermés et il est difficile d’accéder à ceux encore ouverts. De plus, la saison des pluies est sur le point d’arriver, des maladies comme le choléra ou encore la galle risquent de proliférer.  

L’accès à l’eau potable est également très difficile. À Al-Geneina, dans le West Darfour, les pompes à eau fonctionnent à l’électricité. Or il n’y a plus d’électricité. La population ne peut donc tout simplement plus avoir accès à de l’eau.  

  • 43 millions d'habitants
  • 172ème sur 191 pays pour l'Indice de Développement Humain
  • 21 000 personnes bénéficiaires

A ces problèmes, il faut ajouter celui de l’accès à la nourriture. Dans les premières semaines du conflit, les supermarchés à Khartoum ont été vidés. Selon les projections du Programme Alimentaire Mondial des Nations unies, 2 à 2,5 millions de personnes supplémentaires risquent de souffrir de la faim au cours des prochains mois. Des chiffres très alarmants ! A Al-Geneina, la majorité des produits disponibles sur le marché vient du Tchad. Mais la frontière est maintenant fermée, plus rien ne rentre dans le pays. Aujourd’hui, nous ne savons pas comment la population arrive à se nourrir et c’est le même constat pour Khartoum.  

La situation des personnes qui ont fui les villes n’est guère meilleure. Beaucoup de camps ont été brulés, laissant la population qui s’y trouvait, complétement démunie. Mardi dernier, l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM) a annoncé que le nombre de personnes déplacées par les combats entre les factions militaires au Soudan a plus que doublé au cours de la première semaine de mai pour atteindre plus de 730 000 personnes déplacées. Par ailleurs, plus de 150 000 personnes ont fui vers les pays voisins. Au Tchad, par exemple, ce seraient près de 30 000 Soudanais qui auraient traversé la frontière chiffres auquel s’ajoute les retournés du Soudan. Il s’agit des personnes qui ont quitté leur pays pour aller se réfugier au Soudan mais le contexte actuel les obligent à retourner dans leur pays d’origine. Un nombre qui va certainement augmenter notamment avec le retour des Tchadiens qui s’étaient réfugiés au Soudan pour fuir le conflit dans leur propre pays.  

Ce conflit local devient donc global et les flux de personnes réfugiées dans les pays limitrophes risquent de déstabiliser toute la région. 

Face à cette situation alarmante, que fait SOLIDARITÉS INTERNATIONAL ?   

Les violents affrontements nous ont contraint à suspendre nos activités au Soudan pour quelques jours, le temps de nous réorganiser. A l’heure actuelle, deux équipes sont en fonction : une à Gedaref et une à Al-Geneina. Sur chaque site, nos équipes évaluent la situation et procèdent aux premières réparations d’infrastructures existantes comme des pompes d’eau à Geneina. Nous planifions aussi, avec les stocks restants, dès que la situation le permettra, des premières distributions, notamment de produits d’hygiène.  

Malgré les efforts sans relâche de nos équipes, nous sommes pour le moment limités dans notre action. Une des difficultés majeures est l’accès à de l’argent liquide. Le système bancaire soudanais étant à l’arrêt, aucune banque ne fonctionne ce qui contraint considérablement nos capacités d’actions. Nous avons des stocks d’équipements prépositionnés à Dubaï mais il est très difficile de les envoyer dans le pays.  

On ne sait pas ce qu’il va se passer dans les prochains jours ou même les prochaines heures mais la situation est très alarmante. Il faut que des couloirs humanitaires soient mis en place pour protéger les civils et permettre aux humanitaires de venir en aide à la population.  

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