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« C’est quand le cinéma ? »

Publié le vendredi 13 mai 2022

La vidéo participative sur les projets de SOLIDARITÉS INTERNATIONAL au Burkina Faso  

SOLIDARITÉS INTERNATIONAL intervient dans la ville de Kongoussi et sa région, dans le Centre-Nord du Burkina Faso, pour répondre aux besoins humanitaires des populations. C’est aussi là que des personnes déplacées internes ont écrit et réalisé une vidéo participative sur le thème de l’eau, pour partager leurs enjeux quotidiens pour couvrir ce besoin vital après avoir été obligées de fuir leur maison. 

En deux ans, le contexte sécuritaire au Burkina Faso n’a pas cessé de se dégrader. La crise humanitaire prend un tournant en 2020 avec la nette augmentation de l’insécurité et de la pression sur les ressources naturelles. Au 31 mars 2022, on compte plus d’1,8 million de personnes qui se sont déplacées pour échapper aux violences. Ce phénomène de déplacements internes engendre une pression supplémentaire sur l’accès aux services de bases et aux ressources naturelles dans les zones d’accueil, où se regroupent les déplacés internes mais aussi les populations hôtes. Le partage des ressources et la question de l’accès à l’eau potable deviennent donc un défi quotidien, et impactent aussi les dynamiques de cohésion sociale entre les communautés. 

Outre des projets d’assistance aux personnes déplacées dans la ville de Kongoussi, SOLIDARITÉS INTERNATIONAL a animé, avec un groupe de personnes déplacées, un projet de vidéo participative. 

Le principe de la vidéo participative consiste à mettre à disposition des personnes des outils pour l’écriture et la réalisation de leur propre récit. Les populations bénéficiaires créent leur propre film autour d’un projet qui les concerne directement. Elles deviennent alors des Portes Voix et les équipes humanitaires endossent le rôle de facilitatrice et facilitateur.

  • 21,8 millions d'habitants
  • 184ème sur 191 pays pour l'Indice de Développement Humain
  • 600 785 personnes bénéficiaires

Témoigner des contextes où SOLIDARITÉS INTERNATIONAL intervient « fait partie de notre mandat” explique Marion Tabouret Ferret, chargée de communication et de redevabilité bailleurs chez SOLIDARITÉS INTERNATIONAL au Burkina Faso, à l’origine du projet de vidéo participative. “Comme nous sommes une ONG d’urgence, nous avons peu de temps pour faire de la communication. Encore moins une communication qui permet aux personnes concernées de dire ce qu’elles ont envie de dire, comme elles ont envie de le dire. Alors, je me suis dit que la communication participative, c’était peut-être le meilleur moyen de témoigner en respectant la dignité des personnes”.

Pour parvenir à ce projet, l’équipe de SOLIDARITÉS INTERNATIONAL au Burkina Faso a été formée à la communication participative. Outre l’aspect technique, il s’agissait de prendre conscience des dynamiques de pouvoir qui existent en bénéficiaires et acteurs humanitaires et d’apprendre à les dépasser en adoptant un positionnement de “facilitateur ou facilitatrice”. C’est grâce à ce changement de posture que les Portes Voix peuvent avoir carte blanche sur leur propre récit.  C’est aussi et surtout le moment de voir que le collectif est une ressource, que chacun et chacune est moteur et qu’ensemble, il est possible d’avancer. “Ici, on utilise beaucoup l’expression “On est ensemble !” et pour moi c’est quelque chose qui est essentiel” confie Marion. Pour elle, la vidéo participative, “c’est aussi une méthodologie qui permet aux équipes d’être responsable, autonome et de travailler ensemble”.  

“Préparer ce projet, a aussi permis aux équipes d’apprendre les bonnes pratiques pour communiquer et témoigner des situations d’urgence. La boucle est bouclée : on a pris le temps d’apprendre à être ensemble et à faire de la communication avec les personnes que nous venons soutenir. Et puis, nous sommes capables de réagir rapidement en cas d’urgence pour alerter sur les besoins humanitaires qui sont au cœur de notre mandat ”, termine Marion.  

Des agents des trois bases opérationnelles de SOLIDARITÉS INTERNATIONAL dans le pays ont été formés et ont pu échanger sur les problématiques qui les touchaient, apprendre des pratiques et avancer ensemble. Une personne : une voix. Ensemble, une solution sera trouvée. Cette dynamique une fois créée en interne était prête à être déployée avec les Portes Voix.

Ainsi, Talata, Lolpoko, Pogbila, Tené, Tanga, Ismaïla Raabo, Koudpoko, et Napoko, après avoir été formé sur l’utilisation de la caméra et la méthodologie de création d’un scénario, se sont chargés de l’écriture et de la réalisation de leur vidéo sur la problématique de l’accès à l’eau. Korotimi Traore, Touma Idrissa et Cédric Kafando deviennent facilitatrice et facilitateurs SOLIDARITÉS INTERNATIONAL avec Marion Tabouret Ferret comme coordinatrice

Scénario dessiné durant l’atelier d’écriture à Kongoussi

Pour réaliser une vidéo participative, plusieurs ateliers, adaptés aux personnes qui ne savent pas forcément lire, écrire ou même utiliser un smartphone, sont nécessaires pour l’écriture et le tournage. Le dessin a ainsi été utilisé par exemple pour permettre à l’équipe de Portes Voix de visualiser et discuter des scènes à tourner. Un des participants craignait de ne pas pouvoir dessiner correctement ou de faire tomber la caméra en raison des tremblements dont il est atteint. Il proposait donc de dessiner la nuit chez lui quand il serait plus au calme et de ne pas filmer. Ces co-équipiers Portes Voix ont proposé de dessiner pour lui et avec lui, et la facilitatrice lui a montré qu’avec la dragonne au poignet, la caméra ne risquait pas de chuter. Le matériel permet aussi de compenser les tremblements et d’avoir une image stable. Ensemble, l’équipe a su trouver des solutions pour être inclusive.

Les ateliers sont un moment d’échange. D’un part, les bénéficiaires disposent du support nécessaire à la création d’un film et de l’autre, ils créent des liens forts avec les facilitatrices et les facilitateurs de l’ONG. Vivant dans la même ville, les quotidiens sont proches. Ainsi, à Djibo, où le tournage a été interrompu pour des raisons sécuritaires, Aminata, facilitatrice, raconte : “ On est devenu une famille. Quand on te croise dans la rue on te dit « hey ! c’est quand le cinéma ?! », on est devenu des cinéastes. On a créé des connaissances avec les gens.”.

Quand vient le moment de tourner, tout le monde est mobilisé. Il y a les Portes Voix à la manœuvre, pour diriger, tourner et jouer ; les facilitatrices et les facilitateurs pour assister, faire signer les autorisations de droit à l’image et enfin, toute la communauté pour s’assurer que des enfants ne fassent pas irruption, que le bruit alentour est plus ou moins contrôlé…  

Action ! Ça tourne ! On regarde ce qui vient d’être tourné, on discute sur l’angle à prendre et on avance.

Quand le scénario et les rushs sont prêts, il est temps de traduire et d’envoyer au montage. C’est à l’équipe Communication du siège que revient la tâche de créer la vidéo imaginée et souhaitée par les Portes Voix. S’engage alors de nombreux échanges, retours et précisions et finalement, la validation finale des Portes Voix.

Visionnage de la vidéo participative durant l’atelier final

La force de la communication participative, c’est aussi que chaque personne est responsable, et agit comme telle, en moteur de l’activité.   

A Djibo où le tournage de la vidéo participative a été interrompu en raison des attaques et blocus sur la ville, Aminata et Fatoumata, facilitatrices du projet participatif, sont parties sur leur scooter filmer la situation pour alerter sur les besoins humanitaires. Fatoumata raconte qu’elle a trouvé son rôle de facilitatrice intéressant : “ Ce n’est pas facile de jouer ce rôle. Ce qui était difficile, c’était de cadrer les personnes bénéficiaires sans leur donner de directive. Quand on les voit enthousiastes avec plein d’idée, on est emportées aussi et il faut se retenir.” Korotimi quant à elle explique que pour “ avoir le rôle de facilitateur, il faut être délicat car tu peux influencer les gens. […] Ce qui m’a touché, c’est qu’il y avait plein de femmes dans le groupe. Et le fait de voir une femme avec eux dans le groupe [ndlr : comme facilitatrice] les a motivées à prendre la parole parce que j’avais à cœur de leur laisser la place de prendre cette parole.” 

Souleymane Cherif, coordinateur terrain à Kongoussi, conclu “Apprendre la communication participative a été une bonne approche, je souhaiterais que ce soit sur toutes les missions de Solidarités International […]. L’implication des bénéficiaires donne un autre aspect et j’étais vraiment heureux de créer ça pour la première fois à Kongoussi. Les bénéficiaires se sont impliqués dans le projet et ils ont aimé ce projet. En termes d’acceptation de notre association par la population, ça aide dans les interventions surtout dans le domaine de l’accès à l’eau”.

Ces personnes ont un nom, un visage, une histoire

Ismaïla Raabo
Lolpoko
Napoko
Pogbila
Talata
Tanga
Tené

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