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Caminantes : l’exode oublié des Vénézueliens en Colombie

Publié le lundi 22 février 2021

Depuis 2014, des millions de personnes ont quitté le Venezuela et se sont lancées sur les routes vers la Colombie. Ces millions de personnes traversent à pied le continent sud-américain.

« Regardez l’état dans lequel je suis, j’ai été un athlète toute ma vie et maintenant je n’ai que la peau sur les os ». Manuel a été arbitre de football pendant vingt ans au Venezuela avant d’arriver au refuge Fundar à Bochalema, en Colombie. Bochalema n’est que la première étape d’une longue marche pour s’échapper du Venezuela, qui vit l’une des plus grandes crises économiques et humanitaires de notre temps. « Nous ne pouvons pas nous permettre d’acheter de la nourriture, je gagnais 80 cents par mois et une boîte d’œufs coûte deux dollars, comment pouvons-nous vivre ainsi ? », rebondit Manuel.

L’hyperinflation, les difficultés d’approvisionnement, le manque de médicaments et d’accès aux services médicaux caractérisent le Venezuela actuel. En outre, les pénuries aléatoires de carburant ont fortement réduit les possibilités de se déplacer en transports à l’intérieur même du pays.

« Je n’oublierai jamais ce jour où j’ai quitté ma maison et mes enfants », raconte, émue, Jennifer Perez, vénézuélienne de 34 ans, « mais je n’avais pas le choix ». Après son voyage, elle a commencé à travailler au refuge Fundar en Colombie, géré par SOLIDARITÉS INTERNATIONAL, près de la frontière vénézuélienne.

Les Vénézuéliens migrent vers les principales villes de Colombie, en passant par le col entre Cucuta et Bucaramanga dans le Nord Est du pays. « Chaque jour, ils viennent au refuge avec des ampoules sanglantes aux pieds, j’ai vu plusieurs femmes enceintes qui ont perdu leur enfant à cause de la marche » témoigne Jennifer.  En raison de la crise générée par la pandémie de Covid-19, le nombre de migrants, dits « caminantes », qui empruntent cette voie ne fait qu’augmenter. Si en juin il y avait en moyenne 244 personnes par jour qui traversaient la frontière colombienne, en décembre leur nombre est passé à 692 par jour. Avec le confinement, de nombreux Vénézuéliens qui vivaient en Colombie se sont retrouvés sans travail ou expulsés de leur logement parce qu’ils ne pouvaient plus payer le loyer, et ont décidé de rentrer au Venezuela. « C’étaient des choix désespérés », explique Kathleen Hamon, Coordinatrice Terrain pour SOLIDARITÉS INTERNATIONAL en Colombie. « Mais une fois que le confinement en Colombie a été levé, de plus en plus de vénézuéliens ont décidé d’émigrer à nouveau », explique-t-elle.

Depuis septembre 2020, les jeunes hommes ne sont plus les seuls à fuir le Venezuela. « Maintenant ils arrivent par familles entières. 43 % des Vénézuéliens enregistrés entre novembre et décembre sont des mineurs, affamés, et dans des conditions sanitaires aberrantes ».

« A cause du Covid » explique Kathleen, « les frontières terrestres sont fermées, et les vénézuéliens utilisent des points de passage illégaux parfois gérés par des groupes armés colombiens ». Ces groupes ont su profiter de la rentabilité du trafic de cocaïne pour s’ancrer dans ces régions où la crise sanitaire a fait des ravages économiques. Argent, biens de toute sorte, ou encore exploitation et traite des êtres humains sont la monnaie d’échange pour passer la frontière.

Une fois arrivés en Colombie, les risques persistent tout au long du voyage. Pour se rendre à Bogotá ou Medellín, il faut traverser un col de montagne à 3 800 mètres d’altitude. Ici, plusieurs conducteurs de bus vendent des tickets aux vénézuéliens. Il est arrivé que des chauffeurs mal intentionnés en profitent pour leur piller leurs affaires. « Le conducteur nous a demandé de descendre du bus à un poste de péage », déplore Gilberto, un jeune vénézuélien de 30 ans « mais une fois que nous étions descendus il s’est enfuit avec toutes nos affaires ».

Les caminantes sont obligés de marcher dans le froid de la montagne, sans protection et sans vêtements chauds. Dans les refuges organisés le long de ces routes, il existe donc un réel besoin d’accès à la nourriture, à l’eau potable, à l’assainissement et de protection pour les personnes migrantes.

Seuls trois refuges situés sur cette route peuvent accueillir les caminantes mais ceux-ci manquent de moyens et d’infrastructures pour répondre à la demande. SOLIDARITÉS INTERNATIONAL, en consortium avec Première Urgence Internationale, mène des activités de soutien auprès des quatre refuges pour combler leurs lacunes avec un accent particulier sur l’assistance alimentaire, l’accès à l’eau, l’assainissement et l’hygiène. Afin de permettre aux migrants de s’abriter lors de leur transit dans un refuge sain, digne et sûr.

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