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À travers le monde, une crise alimentaire sans précédent

Publié le lundi 10 octobre 2022

Pauvreté endémique, dérèglement climatique, pandémie de la COVID-19, conflits internes et internationaux : les crises politiques, sanitaires, économiques et environnementales n’ont cessé de se conjuguer les unes aux autres et de mettre à mal nos systèmes alimentaires. Les populations du monde entier doivent, en effet, depuis plusieurs années, faire face à des perturbations des récoltes agricoles, une inflation des prix des intrants agricoles et des denrées alimentaires, des difficultés d’accès à l’emploi et donc une diminution de leur pouvoir d’achat. Le récent conflit en Ukraine a empiré cette situation en entraînant une interruption de chaînes d’approvisionnement capitales (30% des exportations mondiales de blé ainsi qu’une grande partie des fertilisants agricoles proviennent de Russie et d’Ukraine). Une bombe à retardement confirmée par le secrétaire général des Nations Unies, António Guterres, pour qui la situation actuelle « pourrait entraîner un ouragan de famines dans de nombreux pays ».

Une crise mondiale

L’ouragan redouté est notamment lié à son caractère global. Les pays du monde entier sont désormais concernés. Au Soudan – un pays où le blé importé provenait respectivement de 55% de la Russie et 5% de l’Ukraine en 2020 -, le global Food Security cluster évoque des prix des denrées alimentaires qui ont presque triplé en un an et devraient être supérieurs de 400 à 500% à la moyenne sur cinq ans. Le Liban a, de son côté, vu le prix du pain augmenter de 600% en 2021 alors que la monnaie locale a perdu 92% de sa valeur (PAM, 2022). Les données sont tout aussi éloquentes en Colombie : le pays qui est fortement dépendant des importations d’intrants agricoles subit une hausse des tarifs de ces produits de 128%. Même les populations des pays les plus aisés sont touchées : selon Eurostat, en Europe, le prix du pain a flambé de 17% en Allemagne et de 8% en France.

Hausse du prix des carburants et du gaz

Autre facteur accentuant la crise alimentaire mondiale dans toutes ces régions :  l’explosion du prix du pétrole. Cette dernière influe à double titre. « Au niveau local, cette tendance réduit parfois drastiquement les possibilités d’utiliser des machines agricoles, la production et l’acheminement des fertilisants et pesticides, mais aussi les activités de transport et de transformation des productions alimentaires », explique Julie Mayans, référente technique sécurité alimentaire et moyens d’existence pour SOLIDARITÉS INTERNATIONAL. Les récoltes sont donc plus maigres et les personnes exerçant une activité liée à l’agriculture subissent une chute dramatique de leurs revenus.

Plus globalement, le montant du baril met également à mal la capacité d’intervention humanitaire avec « d’un côté, le nombre de personnes ayant besoin d’assistance qui augmente et, de l’autre, une aide alimentaire de plus en plus coûteuse à mettre en œuvre » poursuit notre experte.

Il ne faut pas non plus oublier le gaz dont la Russie maîtrise une grande partie des exportations mondiales. Plus de la moitié de la capacité de production européenne d’engrais azoté utilisé en agriculture est à l’arrêt à cause des coupures d’approvisionnement des gaz russes.

Malnutrition

La raréfaction des denrées disponibles et l’envol de leur prix sont autant d’obstacles à une alimentation suffisante et qualitative. Le « stratagème » mis en place par les populations concernées est souvent le même : ces dernières réduisent leur consommation alimentaire quotidienne, changent de régime alimentaire et/ou revendent des effets personnels afin de s’acheter de la nourriture. Le résultat est catastrophique : perte de poids très rapide, sous-nutrition, retard de développement pour les enfants et décès pour les cas les plus graves. Si cette situation est malheureusement bien connue, c’est son ampleur qui est sans précédent. En 2021, on estimait à 828 millions le nombre de personnes en situation d’insécurité alimentaire, un chiffre record et une augmentation de 150 millions depuis 2019*. Et les projections pour 2022 sont encore plus glaçantes.

Des solutions existent

Pour contrer cette paralysie globale, SOLIDARITÉS INTERNATIONAL prône la mise en place d’une réponse en deux temps.

Sur le court terme, il est urgent que les gouvernements du monde entier œuvrent en faveur d’une certaine fluidité des chaînes d’approvisionnement et que davantage de financements soient alloués à l’aide alimentaire d’urgence.

À plus long terme, c’est l’accompagnement des changements – parfois drastiques – de pratiques alimentaires et agricoles vers un système plus durable qui est à préconiser. Les régimes alimentaires doivent réintégrer des denrées plus locales, parfois délaissées mais souvent plus faciles à cultiver car mieux adaptées aux contextes agroécologiques. Exemplaires sur la question, le Cameroun et la Côte d’Ivoire commencent à fabriquer du pain à partir de farine de manioc, remplaçant celle à base de blé. La lutte contre le gaspillage ainsi qu’une alimentation plus équilibrée en diminuant, notamment chez les populations les plus riches, les excès de produits carnés et laitiers doivent, elles aussi, être considérées.

SOLIDARITÉS INTERNATIONAL soutient enfin le retour à une agriculture locale et respectueuse de la terre. « Pratiques agroécologiques, utilisation d’engrais organiques, mise en place de systèmes d’irrigation moins coûteux en énergie, banques de céréales pour conserver la diversité des semences et faire face aux chocs : les solutions ouvrant la porte à la souveraineté alimentaire et ne contribuant pas à la dégradation de l’environnement existent », conclut Julie Mayans.

*selon le rapport SOFI 2022 sur l’état de l’insécurité alimentaire dans le monde.

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