Pression sur les écosystèmes, désertification, nouvelles zones humides, inondations, hausse des températures… Face au changement climatique, les craintes de voir apparaitre de nouvelles maladies hydriques grandissent.
Entretien avec le Professeur Renaud Piarroux, spécialiste des maladies infectieuses et de médecine tropicale.
Doit-on craindre l’émergence de nouvelles maladies liées au changement climatique ?
Bien sûr ! Le changement climatique, si on entend par là, plus de pluies dans certains endroits et désertification dans d’autres, va avoir une incidence sur un certain nombre de maladies. Pour autant, ce n’est pas le changement climatique qui fait apparaître de nouvelles maladies. Le changement climatique en amplifie certaines à certains endroits, mais les diminue à d’autres. En revanche, la déforestation est une cause d’apparition de maladies en raison de la mise en contact d’un réservoir nouveau pour l’Homme et avec lequel il n’avait pas été en relation jusqu’alors. La pression sur les écosystèmes est un phénomène d’émergence de certaines maladies. Je pense notamment au virus Ebola. Les mouvements humains et la pénétration de l’Homme dans les forêts, font que nous nous sommes rapprochés des foyers d’Ebola. La survenue de maladies à partir d’un réservoir animal que l’on vient déranger dans son biotope naturel peut, en effet, être un mécanisme d’émergence.
Avec cette mise en relation des hommes et des animaux liés à la pression sur des écosystèmes, peut-on craindre l’apparition de nouvelles maladies hydriques ?
Je ne crois pas que cette mise en relation soit un mécanisme majeur de l’apparition de maladies hydriques. En revanche, on va trouver des pathogènes qui sont plus adaptés à notre système de distribution d’eau. Je pense à certaines amibes, à certaines légionnelles. La légionellose est une maladie émergente liée aux climatisations ou aux circuits d’eau chaude, par exemple dans des hôpitaux. Dès lors que l’on change notre rapport avec l’eau, on favorise l’apparition de bactéries, de parasites qui vont profiter de ce système au détriment d’autres. Une sorte de bascule épidémiologique.
Les interventions en Eau, Hygiène et Assainissement (EHA), notamment la chloration de l’eau, de SOLIDARITÉS INTERNATIONAL (SI) peuvent-elles permettre de contenir ces maladies ?
Je ne pense pas que SI puisse avoir un impact sur les légionelloses. Ce sont des maladies de réseaux d’eau déjà développés. En revanche, les activités EHA de SI ont un impact sur des maladies plus classiques : sur l’amibiase intestinale aiguë qui peut être prévenue par des opérations de chloration de réseaux, sur le choléra et les dysenteries bactériennes, sur les virus. Contre le paludisme et les maladies à transmission vectorielles, l’EHA ne fonctionne pas. Même dans le cas des diarrhées à rotavirus (maladie virale transmise par les mains), la sensibilisation au lavage des mains joue un rôle modéré et n’empêche pas des épidémies. Sur le terrain, les acteurs doivent donc se doter des capacités d’analyse de la situation. Et cela passe par l’investigation épidémiologique. Mais il n’y a pas de méthode qui soit 100% efficace contre tous les problèmes auxquels on peut être confronté.
L’augmentation des températures, ou des milieux de plus en plus en plus humides, peuvent-ils faire apparaitre des maladies nouvelles pour certaines populations ?
Ces conditions, le changement climatique, peuvent déplacer des maladies ou leurs vecteurs. Plus il fait chaud, plus le virus ou même le parasite se développe de manière rapide chez le vecteur. Et de son côté, le vecteur se développe plus vite s’il fait plus chaud. L’anophèle, le moustique qui transmet le paludisme, va mettre moins de temps à donner naissance à une nouvelle génération. La transmission est alors accélérée. Malgré cela, les interventions de santé publique menées ces dernières années pour lutter contre le paludisme se sont soldées par une décroissance du paludisme. On peut donc agir.