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Dignité, hygiène et sécurité

Publié le mardi 17 mars 2020

Les défis de la protection de l’accès à l’eau et à l’assainissement,

Article extrait de notre Baromètre de l’Eau, de l’Hygiène et de l’Assainissement 2020

Femmes, enfants, handicapés ou encore LGBT+ : plusieurs groupes de population sont plus vulnérables que d’autres et ont donc des besoins spécifiques. L’absence de prise en compte de ces besoins peut freiner ou empêcher leur accès à l’eau et à l’assainissement.

Par Marie-Françoise Sitnam, chargée de protection, SOLIDARITÉS INTERNATIONAL

Les conflits, les désastres naturels, les déplacements volontaires ou forcés affectent les populations de manière différente en fonction de leur âge, de leur genre, de leur orientation sexuelle, de leur niveau de mobilité, de leur ethnicité, de leur perspective culturelle ou politique, de leurs valeurs, de leurs attitudes ou encore de leurs croyances. Mais certains groupes tels que les femmes et les filles, les enfants, les personnes vivant avec un handicap ou à mobilité réduite, les personnes âgées ou certaines personnes appartenant aux groupes dits marginaux (communauté LGBT+, castes, etc.) sont moins visibles et ont donc moins de possibilités d’exprimer leur avis au sein de la communauté. Or, ces groupes ont des besoins, des priorités et des capacités qui diffèrent parfois largement de ceux des autres groupes pris en compte, ce qui a un impact direct sur la façon dont ils peuvent ou non accéder à des services d’Eau, d’Hygiène et d’Assainissement (EHA). Il est donc crucial de se pencher plus profondément sur la manière dont les situations de crise les affectent et sur les barrières à l’accès qu’ils peuvent rencontrer, en prenant en compte leurs spécificités et en analysant les dynamiques de pouvoir qui entravent l’accès équitable aux ressources.

 

LES FEMMES ET LES FILLES

Dans beaucoup de contextes, les femmes ont la responsabilité de la collecte d’eau et des tâches domestiques. Pourtant, elles peuvent rencontrer des difficultés à participer aux décisions communautaires.  Or, un facteur aussi anodin que l’emplacement des toilettes, des douches ou d’un point d’eau peut avoir de sévères répercussions sur le quotidien des femmes et des filles.

La distance entre les services d’eau et d’assainissement et les lieux d’habitation peut considérablement compliquer les gestes quotidiens les plus simples tels qu’utiliser les toilettes ou s’approvisionner en eau pour les tâches ménagères. La probabilité est faible pour une femme gardant des enfants en bas âge, de quitter son domicile pour se rendre aux toilettes si ces dernières sont éloignées ou de se rendre au point d’eau si le temps de collecte est trop long.

Des pratiques de survie inquiétantes se sont développées : n’ayant pas de toilettes à proximité, une femme sur trois préfère se soulager à l’air libre, près de son lieu d’habitation, ce qui augmente le stress psychologique dû à la peur d’être vue et au sentiment de perte de dignité. Beaucoup de femmes disent qu’elles préfèrent attendre la tombée de la nuit afin de s’occuper de leur hygiène personnelle, les rendant ainsi “prisonnières” pendant la journée.

Les Violences Basées sur le Genre (VBG) et les agressions sexuelles constituent également une barrière importante. Les femmes et les filles préférant effectuer leurs besoins une fois la nuit tombée, à l’abri des regards, encourent un risque accru pour leur sécurité physique. Aujourd’hui , nous savons qu’une femme (et fille) sur trois a déjà été victime d’agression sexuelle. Cet état de fait place très souvent les femmes (et les filles) devant un choix impossible entre hygiène, sécurité et dignité.

La gestion des premières règles, entre 10 et 19 ans, est particulièrement problématique pour les adolescentes qui, selon les contextes, font face à plus de restrictions sur leurs mouvements et leur comportement que d’autres groupes. Très rarement incluses dans les discussions sur les besoins spécifiques des communautés, les adolescentes ont peu d’opportunité pour exprimer leurs inquiétudes concernant leur hygiène féminine ou leur sécurité.

La question de l’insertion économique des femmes et des adolescentes dans les programmes d’accès à l’Eau et à l’Assainissement est aussi un défi. Dans certains contextes de crises, les femmes et les adolescentes ont souvent moins accès aux ressources financières pour subvenir à leurs besoins. Mais il est très compliqué pour elles d’obtenir du travail rémunéré dans le cadre de programmes EHA (horaires en conflit avec leurs tâches domestiques, responsabilité de garde d’enfant, manque d’accès aux produits d’hygiène féminine, etc.). Elles sont toutefois attendues sur la base du volontariat pour assurer le nettoyage des latrines ou des espaces communs.

 

LES ENFANTS

Moins impliqués dans les prises de décisions, moins informés, les enfants ont moins de possibilités de dire “non” et sont très dépendants de leur parents ou d’autres adultes pour subvenir à leurs besoins et assurer leur sécurité. Pourtant, une grande partie des réponses EHA ne prennent pas systématiquement en compte la présence d’enfants au sein de la population ciblée et donc le besoin d’intégrer des structures adaptées tels que des toilettes et lavabos à leur taille et hauteur, ou des dispositifs suffisamment spacieux pour permettre aux adultes dont ils dépendent de les assister.

Contraints d’utiliser des dispositifs non adaptés, les enfants sont ainsi exposés à des risques pour leur santé, mais aussi à des risques d’abus physiques à travers leur proximité avec d’autres adultes dans les espaces sanitaires.

 

LES PERSONNES À MOBILITÉ RÉDUITE

Elles se sentent souvent “invisibles”. Les personnes vivant avec un handicap, tout comme les personnes âgées, peuvent avoir une mobilité réduite et donc des besoins spécifiques. Pourtant, elles sont très fréquemment sous-représentées dans les actions de participation communautaire. En contexte de crise, elles sont, en outre, exposées à des risques accrus de négligence ou de violences morales et physiques en raison de l’effritement des filets sociaux et réseaux communautaires d’entraide.

Sans la prise en compte de leurs besoins spécifiques, les personnes vivant avec un handicap et les personnes âgées rencontrent des difficultés dans l’utilisation quotidiennes des points d’eau et des sanitaires : à cause de leur mobilité réduite, elles peuvent être amenées à toucher des matières fécales par inadvertance lors de l’utilisation de toilettes standard, ou à glisser sur les surfaces mouillées des points de distribution d’eau ou espaces de douche. Des difficultés qui augmentent leur stress psychologique lié à l’utilisation des infrastructures et accentuent leur sentiment de perte de dignité.

 

COMMUNAUTÉ LGBT+ ET GROUPES MARGINAUX

Les communautés LGBT+ et les groupes marginaux sont très souvent dans l’impossibilité de partager les mêmes espaces et infrastructures que le reste de la population, en raison des tabous culturels mais aussi des pressions psychologiques ou encore des menaces et des violences physiques dont ils font l’objet.

Photo : Prince-Naymuzzaman-Khan / SOLIDARITÉS INTERNATIONAL