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Accès à l’eau : l’éducation est fondamentale

Publié le mercredi 10 avril 2019

Pression sur l’eau des fleuves, transition écologique, réfugiés climatiques, pour Erik Orsenna, économiste, Académicien et président d’Initiatives pour l’Avenir des Grands Fleuves (IAGF), l’avenir de la planète passe par la préservation de l’or bleu.

 

RECONNAÎTRE LES FLEUVES

Partout dans le monde, du fait du dérèglement climatique mais aussi de l’urbanisation accélérée, les fleuves sont à la peine. Prenez l’exemple du Colorado (États-Unis) ou du Murray-Darling (Australie) qui n’atteignent plus la mer, à force d’être surexploités pour alimenter villes et surfaces agricoles ; regardez le Gange, l’un des dix fleuves les plus menacés au monde par la pollution et les prélèvements incontrôlés, faute de maîtrise du développement économique et urbain ! Et le changement climatique n’est pas un phénomène lointain, ni dans le temps ni dans l’espace. Il est déjà là et proche de nous : le Rhin, puissante voie navigable, a atteint en Allemagne à l’automne dernier son plus bas niveau historique ; le Rhône voit d’année en année son débit s’affaiblir. Combien de temps pourrons-nous compter sur son cadeau, cette formidable énergie renouvelable qu’est l’hydroélectricité ? Et comment concilier tous les usages alors que la ressource en eau se raréfie ? Dans le Bassin Adour Garonne, le déficit entre ressources et usages atteindra un milliard de m³ en 2050 !

Les fleuves et rivières sont à la peine. Pourtant, c’est sur leurs rives que la majorité de l’espèce humaine s’est rassemblée depuis la nuit des temps. Eau pour les villes, eau pour les champs, eau pour l’énergie et le transport mais aussi eau pour la biodiversité : les fleuves irriguent dans tous les sens du terme la vie dans les territoires. Ils portent en eux une partie des réponses au changement climatique.

Traités avec plus de respect, exploités avec plus d’ambition, les fleuves pourraient contribuer au nouveau mode de développement que chacun sait nécessaire.

C’est sur ce constat que CNR (la Compagnie Nationale du Rhône) a lancé Initiatives pour l’Avenir des Grands Fleuves (IAGF), désormais association d’intérêt général qui alerte, sensibilise et facilite des solutions, au plus près des besoins. Avec une double originalité dans notre approche : le croisement des regards et pratiques, en réunissant des experts venus du monde entier et représentant différentes disciplines ; la vision intégrée, pour appréhender tous les usages et sur l’ensemble du linéaire du fleuve, au-delà des frontières. Car le sujet de l’eau n’est pas uniquement technique. Il est géopolitique et culturel. Il pose toutes les questions du vivre ensemble. Première des matières premières, la plus nécessaire à la vie, elle est aussi le miroir de nos sociétés.

 

MENER DE FRONT ET ENSEMBLE PLUSIEURS TRANSITIONS

Plus notre savoir progresse, plus s’impose l’évidence : notre planète est une. Solidaires de fait sont ses habitants puisque nous sommes en train de nous forger un destin commun, pour le meilleur comme pour le pire. Solidaires sont les éléments puisque chaque dérèglement de l’un affecte la machinerie de l’autre, comme le souligne une récente étude réalisée par l’IPPR (Institute for Public Policy Research) qui parle de crise majeure des sociétés humaines, où s’enchaîneraient en cascade les chocs économiques, sociaux et politiques au sein d’un système global. Sommes-nous prêts à accueillir les millions de réfugiés climatiques du Bangladesh ou d’Afrique ? Avons-nous conscience que les conséquences du dérèglement climatique ne cessent de creuser les inégalités sociales ?

Il nous faut être collectivement plus intelligent, plus innovant pour mener de front plusieurs transitions, écologique, agricole, numérique, énergétique, démographique…

Qu’il ne faut pas segmenter les politiques. Prenons le cas de la pollution plastique. On admet le constat que l’océan contiendra 1 tonne de plastique pour 3 tonnes de poissons d’ici 2025. Mais savez-vous que 80 % de la pollution des océans provient de la terre via les fleuves ou par ruissellement (dont 90 % par 10 fleuves dans le monde seulement) ? Que chaque seconde, 50 kilos de plastique sont rejetés par les fleuves dans la Mer ?

À l’échelle d’un territoire, imaginer l’avenir d’un fleuve revient à questionner celui d’un bassin de vie : nous devons en finir avec nos réflexes d’enfants gâtés, voulant tout tout de suite – comme obtenir de l’eau en tournant simplement un robinet – et sans réfléchir aux conséquences. Nous devons faire prendre conscience aux usagers de l’eau de deux choses : leur interdépendance et la raréfaction de la ressource, qui nécessite un effort collectif d’adaptation. L’éducation me paraît en cela fondamentale. Je crois en la force du récit, pour se rappeler l’histoire du fleuve et concevoir ensemble son futur. L’État n’est pas le seul maître à bord : entreprises, collectivités locales, citoyens doivent tous participer à la préservation et à la valorisation de ce bien commun !

 

SANTÉ DES FLEUVES, SANTÉ DES HOMMES

L’accès à l’eau et à l’assainissement est vital pour les populations. Traiter les eaux usées avant de les rejeter est l’un des sujets sur lesquels nous travaillons au sein d’IAGF car, comme le disait Pasteur, nous buvons 80 % de nos maladies. Si l’esprit des Objectifs de Développement Durable est louable, les actions doivent être menées à une échelle nationale, voire locale, si on veut qu’elles soient efficaces et rapides. Nous allons, pour notre part, très prochainement nous pencher sur le cas du territoire guyanais, en partenariat avec l’Institut Pasteur : maladies hydriques et infectieuses, pollution générée par l’orpaillage illégal… Nous réunirons nos experts et toutes les parties prenantes locales du fleuve Maroni pour comprendre et proposer.

 

À LIRE AUSSI : le Baromètre de l’Eau, de l’Hygiène et de l’Assainissement 2019.

 

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© Prince Naymuzzaman Khan / SOLIDARITÉS INTERNATIONAL