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La participation : un enjeu clé de protection

Publié le lundi 28 mars 2022

Par Jéromine Regnier, référente protection et redevabilité, SOLIDARITÉS INTERNATIONAL

« La révolution participative » : ainsi a été nommé le sixième pilier du Grand Bargain, l’accord conclu en 2016 par certains des plus grands bailleurs et des organisations humanitaires afin d’améliorer l’efficience et l’efficacité de l’action humanitaire. Ce titre, particulièrement ambitieux, souligne la volonté et l’extrême nécessité de garantir l’implication effective des personnes affectées par les crises humanitaires dans les décisions qui les concernent. La participation est en effet un impératif clé de la protection, c’est-à-dire une condition nécessaire pour assurer aux personnes concernées un accès significatif, sûr et digne aux activités de réponses humanitaires, et plus globalement, aux droits. 

Malgré cet engagement, plusieurs enquêtes montrent que les acteurs humanitaires ont encore d’importants efforts à fournir pour atteindre cet objectif. Ainsi, selon l’enquête menée par l’ALNAP (Active Learning Network for Accountability and Performance) en 2018 auprès de 5 000 personnes affectées par une crise humanitaire, seules 39% d’entre elles ont déclaré que les organisations humanitaires avaient communiqué correctement sur leurs activités, et 36% qu’elles avaient pu donner leur avis, formuler des plaintes et suggérer des changements[1]. Il est également essentiel de souligner que, dans cette enquête, les personnes ayant affirmé avoir pu donner leur avis sont trois fois plus susceptibles d’avoir également répondu qu’elles avaient été traitées avec dignité que celles répondant n’avoir pas pu donner leur avis. Le lien entre participation et protection apparaît alors clairement.

Cet enjeu est également souligné dans le Rapport sur la redevabilité humanitaire 2020, développé par la CHS Alliance[2] : malgré d’importants efforts pour améliorer la communication et la participation au cours des dernières années, l’engagement 4 de la Norme humanitaire fondamentale de qualité et de redevabilité[3] n’est toujours pas atteint. En effet, si de plus en plus de mécanismes sont proposés pour assurer le retour d’information et la communication, il apparaît que les informations collectées ne sont que peu intégrées dans la conception ou la révision des interventions. De même, les solutions proposées ne sont pas toujours adaptées aux besoins spécifiques des différents sous-groupes qui composent la population.

Le secteur « Eau, Assainissement et Hygiène » (EAH) n’est pas épargné par les problématiques soulevées, que ce soit en termes de participation des futurs usagers et usagères à la conception et à l’amélioration continue des services ou encore en matière de priorisation des enjeux de santé publique. Ainsi, des recherches récentes montrent qu’en moyenne 40 % des femmes n’utilisent pas les latrines mises à leur disposition par les organisations humanitaires[4]. Les principales raisons invoquées sont le manque ou l’absence de lumière, le risque de harcèlement sexuel et le manque d’intimité et de sécurité. Celles-ci reflètent un manque criant de prise en compte des besoins et attentes de toute une partie de la population et des risques particuliers auxquels elle peut être confrontée.

Une partie de la réponse à ces enjeux peut être trouvée dans le développement d’une initiative phare de la Feuille de Route EAH – le système de Redevabilité et d’Assurance Qualité – portée par SOLIDARITÉS INTERNATIONAL et Oxfam, en collaboration avec le Global Wash Cluster et l’université Tufts. Cette initiative vise à remettre la participation, la satisfaction, l’inclusion, la sécurité et la redevabilité au cœur des interventions EAH, via la mise en place systématique d’un cadre collectif de suivi garantissant, au sein des plateformes de coordination, une approche reposant sur les concepts de « Ne pas Nuire » et de programmation basée sur les personnes.

Suivant le même objectif, SOLIDARITÉS INTERNATIONAL Liban a développé une solution offrant un canal de communication instantanée gratuit et disponible 24h/24 entre l’organisation et les personnes concernées par ses actions : le SOLIS Whatsapp Bot[5]. Cette innovation, en phase de test, permet de nombreux usages et vise à remettre les personnes au centre des actions, en donnant l’opportunité d’une participation réelle et inclusive.

[1] ALNAP (2018) The State of the Humanitarian System. ALNAP Study. ALNAP/ODI, London 24 per cent responded ‘partially’ to the question around communication, and 22 per cent responded partially to the question around feedback.

[2] Humanitarian Accountability Report, CHS Alliance, 2020, P.41

[3] L’engagement 4 de la Norme humanitaire fondamentale de qualité et de redevabilité est le suivant : « les communautés et les personnes affectées par les crises connaissent leurs droits, ont accès à l’information et participent aux décisions qui les concernent. »

[4] SaniTweaks, Best practices in Sanitation, OXFAM, online

[5] Pour plus d’informations sur cette innovation, rendez-vous sur le site internet de Solidarités International

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