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Changement climatique et services « eau, assainissement et hygiène »

Publié le jeudi 24 mars 2022

Par Florent Lavie-Derande, chargé de mission WaSH en contexte de Crises et Fragilités, et Alexandre Alix, chargé de mission Eau et Climat, Partenariat Français pour l’Eau.

Le changement climatique actuellement à l’oeuvre menace à la fois les services d’approvisionnement en eau et en assainissement et la pérennité de la ressource en eau. Les services EAH doivent dès lors s’adapter aux défis imposés par le réchauffement de la planète et les catastrophes naturelles et climatiques qui en découlent.

Les activités humaines ont un impact conséquent et catastrophique qu’il n’est plus besoin de démontrer. Le Centre de surveillance des déplacements internes a recensé plus de 30 millions* de personnes déplacées en 2020 pour cause de catastrophes naturelles, contre plus de 9 millions de déplacés en raison des conflits.

L’impact que peut avoir le climat sur les populations est évidemment lié à leur vulnérabilité et à leur niveau d’exposition au risque. De facto, les personnes vivant dans les pays en voie de développement étant déjà affectées par un manque d’accès aux services d’eau, d’assainissement et d’hygiène (EAH), ne sont que plus impactées par le changement climatique. Il faut cependant souligner que la majorité des émissions de gaz à effet de serre est le fait des pays dits les plus développés, tandis que les pays économiquement plus fragiles sont certainement moins responsables et qu’un appui externe est nécessaire pour les aider à faire face au défi climatique.

Le réchauffement climatique entraîne un bouleversement du cycle de l’eau avec pour conséquences des phénomènes météorologiques de plus en plus violents et récurrents, et une montée du niveau de la mer. Du fait de cette augmentation de température, suivie de sécheresses et d’épisodes orageux, l’eau est donc au cœur des préoccupations ; et lorsqu’il s’agit de venir assister des populations fragilisées par les conflits et/ou les catastrophes naturelles, la prise en compte du facteur climat est devenue nécessaire. Selon l’Organisation mondiale de la Santé, les changements climatiques devraient entraîner jusqu’à 250 000 décès supplémentaires par an à partir de 2030, attribuables à la malnutrition, au paludisme, à la diarrhée et au stress thermique.

Du point de vue de la gestion des projets EAH, dont l’objectif principal est la réduction des maladies liées à l’eau, les défis liés aux effets du changement climatique sont multiples.

Premièrement, l’accès à une eau potable de qualité se retrouve détérioré par la montée des mers et des océans en zones côtières d’une part (apparition de biseaux salés), et, d’autre part, les sources d’eau sont contaminées par le ruissellement des eaux de surface du fait des épisodes pluvieux récurrents et d’une mauvaise gestion des eaux usées.

Deuxièmement, la quantité d’eau disponible diminue du fait de la recharge limitée des nappes due à des périodes de sécheresse prolongée, ainsi qu’à une extraction croissante pour les besoins humains, agricoles et industriels. Le manque d’eau a déjà des effets sur les déplacements de population, celles-ci se rapprochant des centres urbains, mais aussi sur la propagation des maladies liées à l’eau (diarrhées, choléra, dysenteries, hépatites etc.). Des problématiques particulières se développent d’ailleurs dans les zones urbaines affectées par la surpopulation et l’habitat informel et présentant un accès insuffisant à l’eau potable et à un assainissement adéquat, plus à risque de créer des foyers de propagation de maladies. Cette problématique d’accès à l’eau et à l’assainissement en zone à forte densité de population est également observable dans les camps de déplacés et réfugiés, notamment sur les crises de longue durée.

La hausse des températures et la destruction des écosystèmes à l’origine de zoonoses, entraînent également un accroissement du risque épidémique, comme pour la maladie à virus Ebola, la dengue ou le paludisme pour lesquels une réponse adaptée et intégrée (EAH et santé) est nécessaire.

Les interventions EAH en réponse aux crises actuelles (conflits et catastrophes naturelles) sont déjà contraintes par les difficultés d’accès et les financements insuffisants face à un nombre toujours croissant de personnes dans le besoin et des crises qui se prolongent ; le changement climatique exerce une pression supplémentaire affectant leur qualité et leur durabilité.

De manière générale, le secteur humanitaire et les politiques publiques doivent prendre en considération ces risques liés au changement climatique de façon à limiter son impact sur les populations à risques. Les mesures d’adaptation et d’atténuation au changement climatique sont donc à inclure dans les stratégies d’intervention, y compris par l’établissement de synergies entre les différents secteurs car l’eau, l’assainissement et l’hygiène sont liés au grand cycle de l’eau.

*https://www.internal-displacement.org/database/displacement-data